Des années qu’ils côtoient les grands pros lors des tournois les plus prestigieux ! Qui d’entre nous n’a pas rêvé d’être à leur place au moins un soir, plus encore au Main Event à Vegas ? Ce mois-ci : Moundir, rescapé de Koh-Lanta, du Covid et des WSOP où il a tenu jusqu’au Day 3, c’est dire s’il est coriace ! À peine guéri, remis en selle
pour le prochain.
Depuis quand joues-tu ?
Depuis 2009 ou 2010, j’étais à Miami chez un copain. Je m’entraînais avec les joueurs de l’équipe des Dolphins, une équipe pro de football américain. Un aprèsmidi, à la télévision, je découvre la retransmission des WSOP qui passionnait tout le monde. Je demande qu’on m’explique les règles et note sur un papier les combinaisons : paire, double paire, brelan… Le soir même, je fonce au casino et je gagne 800 $ ! J’étais piqué et bien addict, moi qui n’avais jeu de cartes auparavant.
Quelle est ta principale motivation à une table ?
Gagner ! J’ai appris à analyser très vite une table. Dès que je repère un loose-passif, je le martyrise pour monter des jetons. Dans ce cas, il faut se montrer aggro, aggro et toujours plus aggro. Sinon, je patiente. Je note les joueurs qui paient cher une relance hors position et j’en profite quand j’ai du jeu. Et puis quand je repère un fish à ma droite ou à ma gauche, je fais tout de suite ami-ami avec lui pour mieux le déstacker.
Quel type de joueur es-tu ?
Appliqué, prudent, stratège. L’inverse d’un flambeur. Je n’ai spew réellement qu’une fois en voulant surjouer un adversaire qui me surjouait. Grave erreur que je me suis promis de ne jamais recommencer. J’aime la vie, j’ai le respect de l’argent, je ne joue pas pour la frime et je sais mettre mon ego de côté. Être père m’a beaucoup aidé. Non seulement tu sais pourquoi tu te lèves le matin, mais pour qui.
Live ou online ? Tournoi ou cash-game ?
Le cash-game est exclu pour la bonne raison que je ne risque jamais mon propre argent. Pour les tournois, je pratique beaucoup le online qui est, à mes yeux, la meilleure école. C’est mon lever de rideau pour le live qui reste le Graal du poker. J’aime m’asseoir à une table, m’imprégner de l’ambiance
électrique, entendre le bruit des jetons, jauger mes adversaires. J’ai pas mal lu de bouquins sur les tells, en particulier Poker Tells de Joe Navarro, un ex-agent du FBI. J’ai étudié les postures, les taiseux comme les bavards… J’ai repéré, entre autres, que ceux qui parlent beaucoup avant de mettre tapis comme ceux qui surjouent la fébrilité sont souvent max. Et quand j’ai des pros à table, comme je sais qu’ils sont meilleurs que moi, j’observe leur manière de jouer en regardant les vidéos de leurs tournois précédents et je joue très tight. Et puis, si je n’ai pas d’infos fiables contre eux et que je doute dans un coup, comme dit Davidi Kitai : « Il n’y a pas de honte à faire le lâche. »
As-tu l’impression de progresser ?
Au début oui, mais plus vraiment aujourd’hui. Pour y arriver, il faudrait que je m’entraîne quatre heures par jour. C’est trop chronophage. J’ai une famille, une femme (Inès), trois enfants (Aliya : 6 ans, Ali : 2 ans et Aya :
un an), et un boulot télé. Mais j’ai quand même mon petit bagage. J’ai appris par coeur la table de Nash et je compile toutes les statistiques imaginables sur mon iPhone.
Ton meilleur souvenir ?
J’en ai deux. Ma victoire lors d’un side à 225 € du Winamax Poker Tour en 2012 où j’ai empoché 10k et ma 472e place au Main Event des WSOP en juillet 2018 à Vegas. Nous étions 7 874 concurrents au départ et je suis reparti avec 29 625 $. Lors- du Day 3 qui s’est terminé à une heure du matin, je me suis retrouvé dans le top 10. J’étais tellement euphorique que je n’ai quasiment pas dormi de la nuit. Je ne pouvais pas m’empêcher de cogiter : soit je me voyais en table finale, soit je sortais sur la première main ! Bilan, je suis arrivé très fatigué et j’ai perdu quasi tous mes jetons avec QQ, puis mes cinq dernières blindes avec KK contre Q3 ! Mais quel pied !
Par Philippe Lecardonnel