Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.
Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.
On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…
« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.
Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.
A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.
Le verdict est tombé sur le Battle Royale à 750 € de ce WPO Aix-les-Bains ! Après une bonne heure et demie de heads-up, c’est finalement le Lituanien Gancierius Titas qui s’impose face au Français Emmanuel Giumbretière.
Malheureusement pour le Français, le Lituanien a bénéficié d’un run assez favorable lors de la dernière ligne droite. Pourtant à quasi-égalité au début du HU, Gancierius Titas a grappillé petit à petit le stack de son adversaire pour finalement l’emporter.
Lors du dernier coup, Emmanuel Giumbretière a ouvert Q10o depuis le Bouton. Sur un flop 10-4-3, le Français a réalisé un C-bet, payé par le Lituanien. Turn, un Valet de cœur est apparu, qui sera checké des deux côtés. Sur la river qui brique, Le lituanien check, et le Français décide d’envoyer son tapis qui sera payé instantanément par le Lituanien !
Gancierius Titas révèle J6o pour une top paire, qui coulera définitivement son adversaire tricolore ! Étant couvert par le Lituanien, Emmanuel Giumbretière termine runner-up et encaisse 9 870 € + les bounties.
Pour sa performance, Gancierus Titas remporte pas moins de 9 870 € + 13.100 € de bounties, pour un gain total de 22.970 € !
À noter que Marc Bougaret, bien que très favori en début de table finale, aura finalement rendu les armes en 6ᵉ position, pour un gain d’un peu plus de 2000 € en comptant les bounties.
Crédit photo : Charles DuMont / Rouy Jean-Sébastien
Sur le Main Event, on se demande bien quand le rythme des inscriptions va ralentir ! À trois niveaux de la fin des tardives, l’organisation a comptabilisé 740 joueurs, et ça continue encore de progresser. En sachant qu’il reste encore deux flights avant le Day 2, et que le Day 1C sera, selon les dires, encore plus massif en termes d’inscriptions.
En cette fin d’après midi, les joueurs occupent le moindre mètre carré du Casino Grand Cercle, mais je dois reconnaître que l’établissement a vraiment les reins solides ! Le lieu est vraiment parfait pour accueillir un festival de cette envergure.
Avant de retourner voir la table finale du Battle Royale qui touche à sa fin. Voici le montant des stacks des quelques joueurs que j’ai pu croiser autour des tables du Main Event :
Shishi : 230.000
Leo Margets : 60.000
Davidi Kitai : 180.000
Aurélia « Call2themoon » Pioget : 66.000
Zchance : 160.000
Antoine Goutard : 65.000
Julien Sitbon : 50.000
Christopher Marcadet : 45.000
Bruno « Kool Shen » Lopes : 59.000
Florian Le Neillon : 44.000
Du côté des WIP, on signalera l’élimination de Benjamin Castaldi et de Moundir sur ce Day 1B !
Aurélia Pioget
Davidi Kitai
Leo Margets
À noter que le Desperado KO à 150 € réalise également un très beau score en termes d’affluence. Au niveau 8, 555 inscriptions ont été recensées.
On y est ! Sur le Battle Royale à 750 € de buy-in, la table finale est désormais connue. Les joueurs sont tous assurés de repartir avec un minimum de 1880 €, et le tapis moyen dépasse actuellement le million de jetons. Malheureusement, le Team Pro Winamax, Julien Sitbon, ne sera pas de la partie, et a fait la bulle TF ! Pour sa performance, ce dernier encaisse 1430 € + les bounties.
À l’inverse, Marc Bougaret est toujours bien là, et dispose pour l’instant de 1.100.000 jetons. À noter que les blinds sont maintenant de 15 000 / 35 000 / 35 000. On reviendra très vite pour vous donner des nouvelles de cette finale !
En ce qui concerne le Main Event, le nombre total des inscriptions se porte dorénavant à 720 joueurs, pour un prizepool de 480.536 €. Les joueurs viennent de revenir du break, et reprennent la partie sur les blinds 600 / 1200 / 1200. Encore quatre niveaux avant la fin des inscriptions tardives.
Comme promis, on a des nouvelles de Bruno « Kool Shen » Lopes. L’ancien membre du groupe NTM a monté quelques pions, et affiche un stack de 75.000 jetons. J’ai également eu la bonne surprise de croiser Romain Lewis, qui déclare un stack d’environ 55.000. Peut mieux faire !
Bruno « Kool Shen » Lopes
Romain Lewis
Crédit photo : Charles DuMont – Winamax / Gema Cristobal