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Le journal Off du poker

[Journal Off des WSOP #7] Tomber sept fois, se relever parfois

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C’est dans la ferveur que s’est achevée, il y a quelques jours un banal crasphoot hebdommadaire à 1 000$ dans l’Amazon Room. La silhouette du gagnant, un peu lourde, semble avoir déjà connu les affres d’une vie trop remplie. Pourtant, le vainqueur du jour, Russell Aaron Boyd n’a même pas quarante ans. Mais, né en 1980, il aura été de tous les combats (perdus) du poker américain, wonder-boy qui sera tombé maintes fois, pour aujourd’hui encore se relever, effacer le goût terreux de la défaite qui lui colle à la bouche, s’ébrouer, et repartir.

« Dutch » Boyd est déjà un « vieux » du poker. Un de ces jeunes touche-à-tout qui, dès la majorité acquise (21 ans et quelques heures) a foncé dans le premier casino venu pour mettre en pratique les rêves fous qui animaient lui et son frère à passer des heures sur les premiers sites online offshore. Nous sommes en 2002, et le Moneymaker Effect n’a pas encore déclenché la révolution de la planète poker. Boyd traîne dans les petits casinos des réserves indiennes de la côte ouest, où il signe ses premières performances dans… un 50$ Limit Hold’Em, rebuy illimités (il y en aura plus de 600 pour 300 inscrits…), avec plus de 10 000$ de gains pour une seconde place anecdotique. Quelques mois plus tard, c’est son premier Main Event. LAs Vegas et ses WSOP, le rêve de tout jeune grinder qui, malgré son statut d’amateur, voit déjà plus grand que les autres, rêve du métal froid des bracelets sur sa peau. En bon action junky, 2003 lui donnera à jamais ce rêve de surpuissance, avec un deep-run lors du Main Event, un deuxième gain à 5 chiffres, et un avenir radieux.

En parallèle, Boyd, petit surdoué pendant toutes ses études, entrevoit la manne financière du poker en ligne, après ses nuits blanches passées sur Planet Poker, un des premiers sites à opérer en Hold’Em. Il décide de se lancer dans PokerSpot, une room en ligne qui tournera vite au fiasco et au premier scam signé par Boyd. C’est la grande époque des mini-rooms lancées avec une bankroll de 50 000$, aucune connaissance des enjeux légaux et des besoins financiers, un software partagé et aucun service client. La France en aura quelques unes, comme Atlas Poker, qui floquera les maillots de Claude Cohen, David Benyamine ou Antony Lellouche pendant un été, celui de 2006, à Las Vegas. Aussitôt nées, aussitôt mortes. Et pour Boyd, l’occasion de partir avec la caisse, et ne jamais rembourser les joueurs.

Car Boyd rêve de tout sauf de la vie d’average Joe. Beau, arrogant, le regard clair, il incarne parfaitement cette génération biberonnée aux scènes de Rounders, le film qui a ramené des milliards à l’industrie du poker, et fait perdre presqu’autant aux joueurs qui ont rêvé trop vite, trop haut. La première fois où j’ai croisé le chemin de Dutch Boy était l’année de son sacre, en 2006, dans l’Amazon Room. Joe Hachem, champion du monde en titre, revenait à Las Vegas pour faire taire ses détracteurs et remporter un second bracelet, histoire d’enfoncer le clou. Car contrairement à de nombreux autres one-timers, Hachem ne voulait pas être un riche millionaire chanceux oublié au cimetière des éléphants du poker. Et au bout d’un long mois de juin, émaillé par des défaites quotidiennes, Joe se hisse en table finale d’un 2 500$ Short-Handed NLHE. Seul reste un homme sur sa route : Dutch Boyd, poussé par des supporters hystériques. L’avantage final ira à l’Américain qui empochera plus de 475 000$ pour son premier bracelet, laissant le champion australien dépité, mais soulagé d’avoir tout de même confirmé.

Boyd, demi-millionaire, n’en profitera pas pour autant pour rembourser ses anciens clients floués. Car Boyd a la dépense facile, les stackers nombreux et une appétence à jouer au cash-game passablement drogué. Dans son livre opportunément sorti quelques semaines avant les WSOP 2014, « Poker Tilt », il ouvre sa propre boîte de pandores sans pudeur, racontant les stackings enfumés de Phil Laak, les arnaques montées ou celles dont il a été la victime, les blocs de billets de 100$ partis en fumée, pour une fois encore devoir tout recommencer à zéro. Mais cette année, c’est un homme changé, au moins physiquement, qui vient de s’emparer de son troisième bracelet ; et le sourire fatigué qu’il esquisse avec son groupe d’ami amoindri laisse filtrer le soulagement de s’être, une fois de plus, relevé.

Jérôme Schmidt

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[Finale WiPT] L’union fait la force

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Il faut croire que la devise ne sied pas qu’aux pays qui l’ont officiellement adoptée (Andorre, Angola, Belgique, Bolivie, Bulgari, Géorgie, Haïti et Malaisie) : au poker aussi, l’union fait la force. C’est en tout cas l’évidence qui s’impose lorsqu’hier, au lancement des derniers Day 1, trois figures du poker hexagonal sont montées sur scène, scellant ainsi une alliance que beaucoup n’auraient jamais imaginée il y a encore quelques années : Matthieu Duran (Live Event directeur de Winamax), Patrick Partouche (des casinos du même nom) et Apo Chantzis (Texapoker).

Alors que des secousses avaient mis de la friture sur la ligne de la relation Winamax-Partouche il y a plusieurs années, il fallait bien tout le savoir-faire et le talent naturel d’Apo Chantzis, fort de ses équipes et son maillage extraordinaire sur tout le territoire, pour mettre tout le monde autour d’une même table, et arriver à sceller un destin commun. Hier, leur présence à trois sur la grande estrade du Pasino Grand d’Aix-en-Provence était à la fois le symbole d’une industrie pacifiée, qui travaille désormais main dans la main, et d’une victoire médiatique, devant ce qui allait devenir le plus grand field d’une finale du Winamax Poker Tour.

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[Finale WiPT — Journal Off] Moi y’en a vouloir des sous

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Petit à petit, le field se rapproche « de l’argent ». Une obsession pour ces milliers de joueuses et joueurs qui se déplacent parfois depuis l’autre bout de la France afin de s’offrir un shot au prizepool juteux proposé par ce tournoi à seulement 500€ ? Pas certain, ou en tout cas, pas obligatoirement pour tout le monde. L’obsessions d’entrer dans l’argent (souvent pour un gain marginal, à moins d’atteindre le Top 20 du tournoi, surtout lorsqu’on a mis plusieurs bullets dans le tournoi, jusqu’à sept pour les plus opiniâtres) relève plus du défi personnel —inscrire sa première ou son énième ligne HendonMob, raconter à ses amis son run avant son badbeat qui met une halte définitive à tout rêve d’argent et de gloire— que d’un plan de carrière. Les pros, on le sait, sont de moins en moins présents dans les fields de poker, ce jeu de hasard et de talent (dans l’ordre inversé) étant devenu pour beaucoup un loisir, une récréation, une parenthèse qu’il faut garder enchantée.

Rien de plus frustrant pour un joueur, en effet, que de ne pouvoir jouer ; au piquet, pour celui qui s’interdit de jeu comme pour celui qui y est tricard du boléro. En montant le long escalator qui amène au premier étage du Pasino Grand d’Aix-en-Provence, on glisse lentement, dans le brouhaha des jetons et des files de joueurs en attente d’un siège, au beau milieu des fanions qui ornent les murs, célébrant vainqueurs et héros du Winamax Poker Tour au fil des années. Parmi les visages en gros plan, cadrés serrés, une seule photo de groupe : celle de la « Team Big Roger », victorieuse en 2013 du seul tournoi par équipe proposé lors de ces festivals. Sur l’affiche, trois visages souriants, ceux de Stéphane Bazin (depuis très rare sur le circuit poker), Antonin Teisseire (omniprésent lors des tournois du sud-est de la France et sur le circuit Partouche) et Roger « Big » Hairabedian. Ce dernier, nous en avons déjà parlé in extenso lors d’une plongée tête la première dans son éternelle télé-(ir)réalité qu’il autoproduit chaque jour ses réseaux sociaux, annonce son éternel come-back. Mais ses courbes émotionnelles, tout aussi ascendantes que descendantes, ont rendu l’opération de plus en plus délicate. Chaque espoir s’ouvre teinté d’une seule crainte pour l’observateur empathique : que rien ne voie le jour, que tout s’effondre avant d’avoir été monté, voire simplement esquissé.

On ne croisera pas Roger Hairabedian à Aix-en-Provence au WiPT 2025. Contempteur du online, ce n’est pas pour cette raison qu’il aura décidé de skip un large field comme il les aime ; il est tout bêtement interdit de tous les casinos Partouche. L’homme a du talent —il en a toujours eu et, peu importe les années qui passent, il sait signer quelques places dans les casinos qui l’accueillent encore, comme le Circus à Paris— mais aussi celui de se mettre à dos la terre entière, avec quelques obsessions à la clé en sus. On ne sait jamais vraiment, dans les nébuleux rebondissements qui peuplent ses dérives intimes, quelles sont les véritables raisons de ces interdictions de casino, fâcheries diverses et vendetta en ligne. Peut-être, finalement, n’est-ce d’ailleurs pas la question principale…

« Les centaines de choses que l’on a faites de travers dans la vie. Pas forcément à dessein : elles ont pu se produire par stupidité, maladresse, inconscience, par mégarde, pure connerie, sans arrière-pensée« , lisait-on justement à quelques minutes du coup d’envoi du Day 1E en incipit d’un roman sublime, Jours blancs (Jeroen Brouwers, 2013), sous le regard étincelant du Big Roger gagnant d’il y a une décennie. Le regard, depuis, s’est fait plus dur —parfois lucide, parfois désespéré, souvent encore joueur. « Il arrive qu’un souvenir insupportable s’en échappe, et pénètre soudain votre cerveau, pareil à un cambrioleur qui vous jette une corde à piano autour du cour, et nous serre la gorge. » Le souvenir de la victoire, de la gloire et de l’argent étrange ainsi au quotidien ceux qui ont connu de telles cimes ; la respiration de ce millier d’anonymes qui se presse sur l’escalator menant à la table de tournoi n »est que régularité et stress positif.

Que faire, lorsqu’on ne peut plus jouer ? Lorsqu’on vit à distance les grands évènements sans, parfois, ne pouvoir y participer ? A l’époque de champions sublimes comme Stu Ungar, c’était la brokitude qui interdisait toute action. Dans sa biographie, écrite par Nolan Dalla (Joueur né, 2008), l’ancien champion du monde tourne en rond, imaginant les caves s’envoyer en l’air pendant que lui rumine dans sa chambre d’hôtel miteuse du Gold Coast, à Las Vegas. En 2025, Roger Hairabedian a inventé d’autres expédients, intronisant à quelques semaines des grandes compétitions de l’année (WiPT, WSOPC, WSOP Vegas) une joueuse inconnue, Céline « Douceur » Beauchamp, 716$ au compteur de sa page HendonMob. Aux antipodes, donc, de Roger Hairabedian, 11ème joueur all time français et ses quelques 5 500 000$ de gain. On imagine, assez simplement, un contral moral de stacking avec celle qu’il estime « prête à faire de grandes choses dans le poker », sans en connaître plus de détails.

A la hargne et la grinta du parrain Hairabedian, succèderait donc la « douceur » de sa néo-protégée, Céline Beauchamp, qui a cette double tâche muette d’adoucir l’image du mentor et d’aller chercher la gagne là où les portes lui sont désormais fermées. Croisée par hasard à table lors du Day 1C de la finale du WiPT, on ne lui aura pas porté chance, puisqu’elle va sauter quelques secondes plus tard du tournoi principal. Si l’argent et la gloire médiatique sont au choix les deux mamelles qui sous-tendent le monde depuis l’époque pas si révolue de Jean Yanne (pour les plus jeunes, réalisateur & acteur anar-libertarien des années soixante), vivre par procuration le jeu, ses frissons et ses enjeux narcissiques, semble relever d’un lent supplice qu’on ne saurait conseiller à ses pires ennemis. Comment continuer à être, lorsqu’on a été ? Parmi la foule qui s’amasse au fur et à mesure que nous écrivons ces lignes, il y a sûrement dans cet horizon de rêves flottants au-dessus de chaque siège bien des nuances de fantasmes : l’action, le fun, la légende, la victoire et même la perte. Rien ne va plus, faites vos jeux.

(photo : Jules Pochy)

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[WPO Bratislava – journal off] L’odeur du tabac froid

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Il n’y a pas que la victoire dans la vie. Pas que le rush d’adrénaline de la river miraculeuse, la douce euphorie des triomphes annoncés que rien ne vient trahir. Pas que les billets qui passent de main en main pour finir dans sa poche, pas que les trophées à empiler, les credit-card roulettes jamais perdues, les regards empreints d’admiration, les amitiés nouvelles et éphémères. Il y a la défaite, aussi. La solitude d’un casino à 8h du matin, en pleine semaine, quand les petits-déjeuners offerts par l’établissement sont autant d’incitation à rester encore un peu, histoire de se refaire, de ne pas affronter le ciel grisâtre qui a englouti la ville, ne pas croiser son regard dans les miroirs fumés des couloirs qui amènent vers la sortie.

En arrivant trop tôt ce matin au casino Bratislava, la ferveur de 23h59 s’est éclipsée depuis quelques heures. Les vainqueurs, eux, dorment du sommeil de ceux qui ont vu juste. Ne restent que les joueurs, les vrais joueur, ceux qui se fichent bien de gagner et de décaver. Le parfum capiteux qui flotte dans les casinos et les clubs de jeux du monde entier (une amie, ancienne responsable d’un cercle de jeu parisien, m’avait un jour confié que cette odeur si typique aux établissements de jeux, constituait pour elle une madeleine de Proust olfactive, comme l’odeur du poulet dominical, qui la réconfortait immédiatement, par habitude) a depuis longtemps été dissipé par l’odeur du tabac froid. Au sous-sol, machines à sous sous la forme modernes, roulettes électroniques ou avec  croupier et tables de blackjack accueillent une dizaine d’irréductibles. Des joueurs locaux, habitués de ces wee hours où l’on joue par habitude, manque d’envie, voire lassitude. C’est l’illustration presque plastique de la grande théorie psychanalytique du joueur pathologique : il préfère perdre, afin d’avoir une raison de se plaindre —et donc d’être écouté, réconforté, materné.

La gagne, la ouinne, n’est pourtant pas interdite. Au hasard d’un billet de 50 € transformé en quelques minutes en plusieurs billets verts, on se découvre repartir les poches pleines, laissant derrière nous, très vite, le tabac froid, les mines grises, les cafés tièdes du buffet, les roulettes qui tournent dans le vide. A l’étage, les tournois de poker n’ont pas encore repris. Il faudra attendre midi, et l’arrivée d’une flopée de WIP (icônes télévisuelles, influenceurs, sportifs, etc.) ainsi que de joueurs pros pour que la fête reprenne et puisse battre son plein. Et là, peu importe la gagne tant qu’il y a le fun.

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