Le monde du poker français avait fini le mois de février en pleine euphorie, avec notamment le succès du WPTDS à Paris, et l’arrivée de nombreuses compétitions dans les casinos francophones : BPT à Ribeauvillé, WiPT à Madrid, WPTDS à Deauville, WSOPC à Cannes, Golden Poker Series à Marrakech, etc. Et, tout à coup, le couperet est tombé : avec la pandémie du Covid-19, le monde du jeu a été l’un des premiers à être touché de plein fouet par les fermetures en masse.
Casinos, clubs parisiens et progressivement toutes les salles de jeux des États-Unis s’y sont mis. Rien de plus dangereux, il faut dire, que ces lieux publics où les clients se pressent, échangent jetons et cartes…
Comme par un mystérieux mouvement invisible, ce besoin de gamble s’est immédiatement transféré vers les opérateurs du online. Heureusement pour eux puisqu’en parallèle, le pari sportif se voyait fortement impacté par l’annulation de toutes les compétitions… WSOP.com, aux USA, a connu une hausse instantanée de son trafic avant même la mise en confinement du pays, tandis que certains serveurs en France, ne résistaient pas, le temps d’une nuit, à l’afflux massif de joueurs qui ont fait exploser toutes les garanties !
Reste à savoir quand le délicat équilibre entre live et online reverra le jour… Du côté des WSOP, malgré les effets de manche de communication, on doute fortement que la série de tournois ne soit pas touchée par cette mise en quarantaine du monde entier. À chaque jour, sa nouvelle et sa fake news antinomique.
Le poker va bien, merci. Après les succès de fréquentation qui s’enchaînent lors des tournois de rentrée aux quatre coins du pays – le dernier en date a eu lieu au WPO Aix-les-Bains, toujours en cours au moment où nous écrivons ces lignes –, c’est aussi sur le devant de la scène internationale que la France porte haut ses couleurs. À Barcelone, en effet, il y a eu plusieurs belles victoires de rang dans les side events, mais aussi un triomphe pour l’un des joueurs les plus réguliers et les plus intelligents du circuit, Thomas Eychenne. Il y a du Benjamin Pollak chez ce joueur, ce mélange d’acuité et d’assurance, de sérieux et de réflexion constante à chaque coup disputé. Il serait faux de dire qu’Eychenne ira loin dans le poker : il a déjà remporté bien des défis et vient de remporter l’un des plus grands tournois du circuit, prouvant qu’il faut compter sur lui déjà bien des années.
Côté live, c’est le monde amateur qui est à l’honneur avec le démarrage, mi-octobre à Toulouse, du Winamax Poker Tour. Poker52 sera présent tout au long de ces étapes qualificatives gratuites, par le biais d’un numéro spécial diffusé auprès de tous les joueurs à table et qui retrace toute l’histoire et la richesse humaine de cette aventure sans précédent dans le monde du poker.
Une chanson des Bugles, en 1979, annonçait, prophétique, la disparition du son, au gré de l’image – Video killed the radio stars –, plus d’un demi-siècle après l’apparition du cinéma parlant, où le son, cette fois, avait pris le pas sur l’image. Dans le domaine des médias, cette éternelle croyance en la puissance du multimédia à tout prix prend souvent le dessus, un temps au moins, sur l’écrit et toutes ses déclinaisons. Depuis près de deux décennies où ce magazine existe, les modes du « live Periscope » et autre « vlog Youtube », sans compter les « JT présentés par IA » sont passées, repassées et ont, très rarement, perduré. Il suffit de jeter un coup d’œil aux compteurs (souvent gonflés par les achats de followers) des contenus vidéo pour constater que ce qui se consomme passivement (une vidéo lancée en arrière-plan, un live sur lequel on jette un œil distrait entre huit parties multitablées) n’est rien d’autre qu’un bruit de fond dont le contenu importe peu.
Depuis ces maximes bien connues datant de l’Antiquité – le dicton latin verba volant, scripta manent – édictant que les paroles disparaissent, tandis que les écrits restent, les époques plus contemporaines ont eu quelques variantes comme la fameuse devise de Paris Match, premier hebdomadaire hexagonal, sur « le poids des mots, le choc des photos ». En ligne, le contenu « lourd » (au sens positif du terme) est lui aussi souvent dénigré au profit du futile, du fugace, de ce qui disparaît avant même que l’on ait pu l’intégrer, y réfléchir, le traiter intellectuellement. Face aux innombrables vidéos éphémères en direct des tables proposées par les joueurs eux-mêmes ou des wannabe médias, on reviendra toujours aux reportages au long cours, comme le propose par exemple depuis des années toute l’équipe éditoriale de Winamax ou, seul aux commandes le plus souvent, Greg Ceran-Maillard chez PMU Poker. De l’émotion, du temps long, des paroles écrites qui restent et esquissent, filet invisible dans le big data des informations non traitées, la légende vaporeuse des figures singulières du poker.
Alors que les World Series s’achèvent tout juste, nous sacrifions comme chaque année à un numéro spécial hors-série stratégie, avec comme invité d’honneur, Stéphane Matheu, le légendaire coach du Team Winamax, qui vient de publier un ouvrage passionnant qui va vous donner « les cartes en main ». Psychologie, mental, maîtrise de ses émotions, définition d’objectifs mais aussi, et c’est là une notion centrale dans le monde hasardeux du poker, appréhension et acceptation de la variance, ce satané bad-beat qui nous tombe dessus ou ce run good qui semble venir de nulle part !
Stéphane Matheu nous a accordé un long entretien, plein de bon sens et de conseils pour les joueurs aguerris ou amateurs —une recette qui a en tout cas porté ses fruits lorsqu’on regarde les résultats des joueurs du Team W depuis la mise en place professionnelle de leur accompagnement. A la rentrée, il sera le temps d’ailleurs de faire le point sur les WSOP à Las Vegas, et la quasi-absence de performances françaises malgré un fort contingent qui s’y était déplacé. D’ici, là, bonne lecture et bonne remise en question de vos approches du jeu !