(Durant l’édition 2023 des WSOP, nous tiendrons, à distance, un « journal off » comme nous le faisons depuis plusieurs saisons, afin de raconter à notre manière une autre vision du plus grand évènement poker de l’année)
L’épreuve a longtemps été un des rendez-vous phare des WSOP : le Championship de heads-up, désormais à 25 000$, a accueilli en ses rangs les plus grands noms du poker au fil des éditions, de Tom Dwan à Phil Ivey en passant par John Duthie ou Jason Koon. Le field, mathématiquement, doit être un multiple : 2-4-8-16-32-64-128-256… En 2023, il s’est arrêté à 64, pour un tournoi 6 étapes, avec 8 places payées. A ce jeu là, tout le monde observait à distance Doug Polk, une des figures les plus bruyantes du TwitterPoker, actif à la fois en ligne avec sa chaîne YouTube faussement polémique et en live puisqu’il possède un des plus gros clubs de poker texan, The Lodge, à Round Rock. Polk a écrit sa légende en étant l’un des joueurs de tête à tête les plus redoutés des tables high stakes en ligne, puis a continué à imposer son nom via les nombreuses polémiques qu’il fait et défait au gré des vidéos YouTube. L’homme n’a que peu de foi, peut planter des couteaux dans le dos de ses amis de la veille ou encenser ses ennemis du lendemain : peu importe l’avis, tant qu’il y a du click.
En arrivant au Heads-Up Championship des WSOP, Polk sortait d’une éprouvante session de cash-game télévisé, diffusé par le Hustler Club Casino. Rincé par les nuits blanches et les « million dollar buy-in » déposés sur la table à force de recaves, il ne semblait plus avoir le jus pour faire grande impression dans une compétition qui demande plus que jamais concentration et analyse de son adversaire. Il venait de louper, en streaming, quelques calls contre des bluffs de riches cryptomillionaires, de se faire essorer par Tom Dwan, ennemi non avoué depuis bien longtemps, et même s’il ne jouait qu’un quart de « sa main » —information révélée à Rob Yong, sur Twitter, qui se demandait combien de pourcentage de leur stack jouaient ces millionaires du cash-game—, Polk semblait à bout. Mais au fur et à mesure des rounds, et des flips 20/80 qui passent (un heureux QQ>>KK pré-flop en demie finale), il a finalement réussi à atteindre le dernier duel, contre le Canadien Chanracy Kuhn. Une dernière marche trop haute pour l’Américain aux 4 bracelets WSOP, qui aura succombé aux calls judicieux de son adversaire aux moments-clés de ce dernier affrontement, front contre front. Polk passera vite à autre chose : un autre gros cash-game, de préférence médiatisé, un autre clash sur la plateforme Spaces de Twitter, une autre polémique sans lendemain. Le clickbait est encore plus addictif que le jeu.
Jérôme Schmidt