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Le journal Off du poker

Journal des WSOP (17 juin 2011) : Dead Money

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Il y a quelques jours, Elie Payan remportait un second bracelet pour la France. Un double exploit : historique, puisqu’à part David Benyamine, Patrick Bruel, Gilbert Gross, Claude Cohen, Vanessa Hellebuyck et, le jour précédent, ElkY, personne n’avait signé de telles performances ; personnel puisque c’était tout simplement le premier tournoi WSOP joué par ce jeune joueur originaire d’Orléans, et grinder à mi-temps aux petites limites de Las Vegas —1/3 puis 2/5$. Et, surtout, bien choisir son casino : « Au Venetian, il y a énormément de Dead money, et tu peux caver haut, à 1000$ sur une 2-5… Il y a de quoi avoir de belles masses à la fin d’une session. Tout le monde parle tout le temps du Bellagio, mais là-bas, c’est comme à l’Aviation Club de France à Paris : le niveau est bien plus élevé, il y a tous les grands joueurs, donc c’est moins facile… »

Car grinder, c’est un métier. Difficile, même, qui implique, comme le dit Elie lui même « d’aller au bureau », c’est-à-dire de se concentrer sur son travail au casino le plus proche : monter des jetons, ramasser un peu d’argent, et repartir chez soi, jusqu’au jour suivant. Dans un monde de poker où remporter 293 000$ semble parfois aux plus blasés une paille —à peine le buy-in d’un tournoi super high-roller, comme à l’Aussie Millions—, aller chaque jour aux tables de petites limites semble ne pas correspondre au rêve que veut nous vendre le poker moderne : un poker de tournoi pour superstars et quidams, millionnaires d’un jour, supernovas médiatiques propulsés au devant de là scène.

Lorsqu’il a remporté son bracelet, Elie a vu sa vie défiler devant lui : ses parties de sit’n’go à 10$ à Orléans, ses débuts aux tables 1-2€ dans les petits cercles de jeux parisiens, sa décision, très calculée et réfléchie, de partir à Vegas pour s’installer dans un petit appartement et y jouer sa vie à plein temps. L’online ? Il connaît, mais n’apprécie guère. Et avec le Black Friday, comme par hasard, tout l’argent a pris la direction des casinos, puisqu’il n’est plus possible de jouer autrement. A la main finale, il n’a pu que se bredouiller « Putain… J’ai déconné… », comme conscient que cette victoire allait peut-être lui changer toute sa vie. Bien sûr, cet exploit a été indirectement amenuisé par le come-back retentissant d’ElkY, le jour précédent : un champion qui ramène un bracelet, cela fait plus vibrer encore les médias que l’average joe. Mais derrière, les interviews pleuvent, et les sponsors peuvent s’intéresser très vite à ce joueur solide, les pieds sur terre, avec un véritable plan de carrière. Pour l’instant, Elie fait une pause, histoire de dormir et de prendre du recul. Trois jours, seulement, avant de s’offrir le PLO Championship à 10 000$, et de l’aborder « gonflé à bloc ».

Ce vendredi, dans la Pavillion et l’Amazon Room, débutait la classique épreuve Senior des WSOP. La condition ? Avoir plus de 50 ans. La limite d’âge ? Aucune, et la preuve, trois des joueurs avaient hier 87 ans. « Encore le Black Friday ! », plaisante un journaliste, « Ces types ont ramené leur bankroll du online, et vont raser les tables avec du 4-bet light. » Parmi eux, Roger Hairabedian, qui joue toujours le rôle du touriste héberlué dans les tournois pros de Vegas. Hier, autre casquette : celui du maniac, qui fait tapis dans le noir, relance au bouton sans regarder ses cartes. « Ca a bien marché », rit l’intéressé, « ils sont vraiment sortis de leur zone de conforts, et tout à coup ces pinces ont commencé à me payer le tapis avec hauteur 10 ! » Car, dans le tournoi Senior, c’est le règne de la Dead money : non pas un festival de moves étranges, bien au contraire, un poker old-school sérieux et discipliné où les plus dangeureux joueurs sont les anciens pros.

Parmi eux, T.J. Cloutier, capitaine en chef de Brokeland, la terre promise des joueurs ruinés et autres addicts au craps, blackjack et roulette. L’Américain, droit dans son siège, a encore de très beaux restes et martyrise sa table pendant les deux premières heures. Non loin de lui, Amarillon Slim, la légende du poker qui a tant contribué à la popularisation de ce jeu à l’époque des premières World Series. Une époque où les Texans —les joueurs à Stetson— dominaient l’action des tables high-stakes et avaient lancé, avec Binion, les WSOP, une sorte de sitn’go cash-game où le vainqueur était désigné par la dizaine de participants… Depuis les rumeurs —fondées ou non— d’attouchements envers un de ses petits-enfants, Amarillo Slim est ostracisé.

Seul son vieux complice Doyle, dans un élan de charité chrétienne, continue à lui parler et à le considérer comme un ami. Les autres l’évitent méthodiquement, oubliant au passage que pendant 20 ans, Slim a été le joueur le plus médiatisé au monde. Un gambler fou, un hustler qui faisait le tour des USA pour y pratiquer ses tricks les plus folles, parier des millions de dollars sur une bouteille de coca et un chat, défier des champions de tennis de table avec une poele en guise de raquette, descendre les rapides les plus dangereux au monde sans le moindre bateau, arnaquer des touristes en mal de sensation forte. Depuis, Slim a l’œil éteint, et même son Stetson en python semble ne plus y croire. Même au milieu du tournoi Senior, Amarillo n’a plus l’air de ce monde.

Jérôme Schmidt

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[Journal des WSOP – 14 juillet] Et au Septième Jour, Hairabedian ressuscita

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Le feuilleton (web) de 2022, pour certains membres de la communauté poker, n’est pas diffusé sur de grandes plateformes de productions vidéo. Il suffit plutôt d’aller traîner du côté de l’un des nombreux comptes de réseaux sociaux de Roger Hairabedian, afin de vivre en direct les affres d’un homme qui a longtemps été considéré comme l’un des plus populaires du circuit. Proche des joueurs, enchaînant Pagnolades avec son accent certifié 100% Vieux Port, celui qui a notamment remporté deux titres WSOP-Europe et activement travaillé à l’essor des tournois de poker au Maroc, avait bien commencé sa vie sur le plan sportif, judoka de renom ayant croisé le fer (et les clés de bras) dans des compétitions internationales au sein de l’équipe de France, à la fin des années 1970s. Basculant dans le monde des arrières-salles du poker à la marseillaise, il a fourbi ses armes dans un monde interlope où le cash change de main en toute discrétion, faisant un tour par la case prison par la suite.

C’est en 2009, après avoir remporté le Grand Prix de Paris à l’ACF pour plus de 400 000€, que Roger Hairabedian a commencé à se frotter aux réseaux sociaux. Ce move, qui part d’une bonne intention, va être déterminant sur la suite de sa carrière. Né en 1955, il s’adapte pourtant très vite à l’exercice, ouvrant ainsi un fil de discussion à son sujet sur les forums de Club Poker. Treize ans plus tard, le million de vues a été dépassé et quelques 10 000 réponses ont été formulées. Au départ, tout se passe bien : les jeunes grinders aiment le franc parler du personnage qui manie, comme ses cadets, facilement l’ironie. Le joueur a de la profondeur, un vécu qu’il assume, et n’a pas été encore dépassé par son personnage public, surnommé « Terminator » ou, plus populairement « Big Roger ». Entre les deux générations, une complicité s’installe, allant jusqu’à encourager le joueur aguerri à reprendre en main sa santé —il est alors en surpoids— et à continuer de partager ses anecdotes.

Flash Forward. Alors que le COVID touche l’Europe en ce début d’année 2020, le BIG, comme il se fait désormais appeler, fourmille de projets de Poker Tour. Son idée, qu’il affine depuis déjà bien des années, est d’instaurer un large payout —30% environ— afin de préserver l’écosystème des joueurs récréatifs, et les faire revenir à ses évènements sans les ruiner. Il a déjà opéré dans plusieurs casinos du Maghreb en tant que consultant, ainsi que pour quelques compétitions hexagonales, mais, souvent, l’aventure s’est mal finie, pour des raisons qu’aucune des deux parties n’explicite vraiment. L’homme a accumulé des regrets et rancoeurs —jamais membre d’une Pro Team, évincé de l’organisation de tournois au Maroc, non sélectionné dans l’éphémère ‘équipe de France de poker’ mise en place par Alexandre Dreyfus, source de moquerie des ‘poneys’ d’internet, comme il les surnomme. « Roger Patrick Hairabedian » est devenu Le BIG, et son personnage a désormais pris le dessus sur le joueur sincère qu’il a été.

Durant ces trois dernières années, suivre les réseaux sociaux de cet alter-ego démiurge, c’est faire une plongée tête la première dans les eaux parfois troubles du milieu du poker low/mid-stakes, dans le quotidien de casinos de pays exotiques (Chypre, la Roumanie, etc.), mais aussi tenter de suivre la dérive presque maniaque d’un homme que presque personne ne semble plus pouvoir suivre. Il faut dire que Roger Hairabedian a dû là encore affronter l’adversité : l’un de ses trois fils (un trio qu’il surnomme affectueusement Le Bon, La Brute et le Truand) a eu affaire avec la justice marocaine en plein covid pour de supposées parties de poker illégales à Marrakech, et la paranoïa s’est installée dans le clan quant à l’identité de celui qui aurait « balancé » ; les tentatives de lancement de son « Big Marvelous Poker Tour » se sont soldées par divers échecs, la faute aux équipes, à l’homme ou aux casinos associés — personne ne sait jamais vraiment le déterminer ; des clashs sans fin avec des petites glorioles du web, comme Adrien Guyon, ancien sponsorisé Winamax et coach à ses heures de joueurs en ligne ; une équipe « félonne » d’anciens collaborateurs qui aura tenté de lancer un autre circuit low/mid-stakes sous le patronyme de « Player One », etc.

Le dernier scandale en date (du mois de juin, une éternité en « temps BIG » puisque les rebondissements se suivent et se multiplient plusieurs fois par jour sur ses réseaux sociaux) est à la fois une dénonciation sous fond de violons synthétiques d’une certaine Angélique Amar, à propos de malversations supposées de l’équipe du BIG — accusation qui trouvera une réponse sous la forme de vidéos face caméra déversant menaces et insultes à 5h du matin, en direct d’une boîte de nuit chypriote, par le BIG ayant vidé une bouteille de vodka ; puis quelques jours plus tard, un tournoi « Marvelous » à Chypre dont on n’aura jamais connu les chiffres de participation (a priori faibles) et dont la cagnotte a mystérieusement disparu au moment de payer les joueurs. S’en est suivie une semaine du « BIG mène l’enquête » à coup de vidéos iPhone qui donnent mal au coeur, où l’homme tente plus ou moins de justifier le trou dans la caisse (« détourné par l’agence de voyage », « les associés » ou « le casino », au choix) avant d’annoncer d’autres compétitions « Marvelous » sur la même île, mais dans d’autres établissements. La saga brandée Netflix n’est jamais loin, et lui-même ironise à ce sujet. Sa communication, singulière, n’est pas inintéressante : il sature littéralement d’informations, parfois contradictoires, change de ton et d’approche selon les heures de la journée (tantôt menaçant, tantôt énervé, tantôt plein d’humour) et ne laisse jamais le terrain libre.

Qu’importe, peut-être, le vrai du faux. Le BIG le sait-il d’ailleurs vraiment ? Dans ce monde de casinos sis dans des paradis fiscaux, d’intermédiaires étonnants et de cash qui circule de main en main sur fond de mauvaise euro-techno, de bars lounge éculés, de palaces grandiloquents et isolés, l’oasis est souvent inversée, double reflet d’une réalité si complexe et en marge qu’elle n’est plus qu’une chimère où tout un chacun tente d’y trouver une justification à sa destinée.

Pour qui est éligible à l’empathie, ainsi suivre les aventures du BIG ne peut que soulever un élan de sympathie humaine. L’homme est, visiblement, aux abois financièrement —il ne le cache d’ailleurs pas— et dans une sorte de fuite en avant qui fonctionne invariablement comme une courbe asymptote, chaque nouveau projet fait place à un autre, plus grandiose et démentiel, avant de mourir sans avoir jamais existé. Prague n’a pas fonctionné ? Qu’importe, allons en Bulgarie. Mal accueilli là-bas? Il y a bien sûr la « marvelous » destination roumaine. Ou chypriote. Ou sénégalaise. Ou américaine. Ou arménienne (la patrie de coeur de Roger Hairabedian). Entre temps, passent des vidéos du BIG, casquette à l’envers, en train de faire semblant de mixer de l’italo-disco sur une plage bulgare ou entonner en t-shirt Dolce Gabanna des mélopées d’Aznavour ou Joe Dassin dans d’improbables karaokés after hours.

Alors que le BIG était à terre, après un énième rebondissement négatif à Chypre —il avouait, dans l’une de ses dizaines de vidéos quotidiennes vouloir jeter l’éponge—, un grand bruit blanc s’est imposé pendant 48h sur son compte Facebook d’habitude si chargé en sessions de karaoké, vidéos clash, et autres réunions matinales avec lui-même quant à ses projets à venir. Alors qu’on le voyait souvent accompagné de son clan familial —ses fils et surtout son épouse Monique surnommée amoureusement ‘Nefertiti’, fidèle parmi les fidèles—, le BIG apparaissait bien seul, à se battre contre les moulins à vents chypriotes, Don Quichotte échoué et mis à terre par plus roués que lui, les bras désormais couverts de tatouages effectués à la va-vite : un drapeau arménien, un autre chypriote, un américain et une allégeance typographique à Jésus Christ… En réaction à ses publications, on pouvait apercevoir des commentaires de croupiers déçus de ne pas avoir été payés d’un évènement passé, ou un joueur turc s’agiter quant à une dette supposée…

Le BIG était submergé, jusqu’à ce qu’une lueur quasi christique (la rédemption qui, en langage poker, se traduit par « se refaire ») illumine son horizon proche : Karim Rebei, un de ses « poulains, pur-sang arabe qui n’a rien à voir avec les poneys d’internet », était chipleader du Main Event des WSOP à Las Vegas, à une cinquantaine de joueurs restants. Et à lire le BIG, c’était lui qui avait « fait » Rebei, sur la scène très active et interlope du poker nord-africain, quelques années plus tôt. On pressentait l’excitation du BIG de se refaire, lui-même partageant des captures d’écran de discussion avec Rebei où il demandait au futur (gros) ITM du Main Event un peu de cash, et de considération médiatique.

Clap. 48h de silence sur les réseaux sociaux, et une nouvelle vidéo s’allume sur le compte Facebook du BIG. C’est le Day 6 du Main Event des WSOP, et l’homme, t-shirt rouge ample, casquette dorée, large croix autour du cou, vient de débarquer à Las Vegas. On le disait « tricard du boléro », interdit de casino au Nevada pour de supposées grosses lignes de crédit jamais remboursées (la rumeur évoquait 400 000$, au Bellagio – lui-même avoue une dette de 200 000$ non encore remboursés depuis plus de dix ans), le voilà qui déjoue les pronostics et arrive, le souffle court, dans les travées des casinos Paris et Ballys. Il vient voir son « pur-sang arabe », et vibrer avec lui. Rebei est alors chipleader à 20 joueurs left, avec 50 millions de jetons devant lui et la gagne à 10 000 000$ en ligne de mire. Avec ce tapis, il fait table finale, voire Top 5 obligatoirement, assène le BIG. Et il compte bien toucher sa part de rêve (et d’ITM) en arrivant sur place.

C’est sans compter sur le style de Rebei, qui paye beaucoup préflop, et pense toujours savoir d’en tirer par la suite avec des bluffs et des contre-bluffs. Cela a réussi 6 jours durant, à force de confrontations qu’il gagne à chaque fois, des Roi-Dame contre paire d’As à tapis, et autres « horreurs » certifiées. L’homme marche sur l’eau, comme si son pseudonyme Facebook « DiamondsDiamonds » où il étale sa vie rêvée entre Dubaï et autres resorts réservés à ceux qui gagnent vite et flambent avec dextérité, allait enfin pouvoir s’affranchir de tout, et trouver l’argent nécessaire pour assumer ce mode de vie surfait. Mais au Day 7 du Main Event, Rebei a mordu la poussière, éliminé en seizième place du Main Event, se « contentant » de 410 000$ seulement, brûlant ses jetons mal gagnés en quelques mains.

Au Septième Jour, après cette élimination le BIG a disparu, et Roger Hairabedian a ressuscité. Adieu les fanfaronnades et les bons mots, place à un homme essoufflé, brisé, « déprimé » (selon ses termes), qui passe le temps à ressasser son rêve brisé (celui d’un autre homme pourtant, ce poulain trop fringuant qui n’a pas su s’arrêter et baisser le rythme) aux tables des Daily Tournament de cette fin de WSOP, au moment où tout le monde quitte Vegas, essoré par les buy-ins, par les filles facilement onéreuses, par l’inflation galopante (1$=1€), par la guigne, par la dépression du désert, par le manque des êtres chers. Face caméra, c’est Roger Hairabedian qui parle, quelques dizaines de secondes. La croupière le rappelle à l’ordre : pas de téléphone à table. Au Septième Jour, celui que tous les « poneys » et autres observateurs du poker apprécient depuis plus d’une dizaine d’année, est apparu, nu et ressuscité, avec le corps massif d’un homme au passé singulier, en proie à l’angoisse de l’avenir. Il est resté ainsi face à nous, en toute franchise, quelques instants, avant de disparaître à nouveau. Au Huitième Jour, le BIG est réapparu. Il va lancer le BPMT Las Vegas. Ou Los Angeles. Ou Chypre. L’avenir le lui dira.

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[Journal des WSOP — 27 juin] Pour toujours un peu plus d’action

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Comment vivre les WSOP, à des milliers de kilomètres de Las Vegas, comment vibrer, perdre ou gagner comme les pros et amateurs qui ont fait le grand saut et ont offert leur chance et leur bankroll aux tables climatisées du désert du Mojave ? Comment, virtuellement, avoir un peu d’action ? Derrière ce mot transparent ou presque (en anglais, l’action, c’est avoir une part de l’investissement d’un joueur engagé dans un tournoi) s’ouvre un univers qui n’a jamais véritablement décollé en Europe, celui de stacking de joueur.

Pour la première fois, on apercevait par exemple Bruno Fitoussi (également créateur de Poker52, ndlr) ouvrir pour la première fois publiquement son action aux joueurs anonymes, via une plateforme reconnue pour son très grand sérieux, Pocket Fives, pour un 10 000$ PLO, entre autres, à un « prix » (le markup) le plus intéressant possible, à 1 contre 1, à hauteur de la moitié du buy-in. En gros, si Bruno Fitoussi gagne 100 000$ dans le cadre de ce tournoi, il en gardera la moitié, et le stackeur anonyme qui l’aura financé à hauteur de 500$ (soit 10% du stacking disponible) touchera 5000$… Pour le Main Event (qui sera joué, avec ou sans stacking), le joueur français propose un markup plus élevé, à 1,2. Dans ce cas, le stackeur qui aurait financé à la même hauteur toucherait 5000/1,2 soit 4000$.

Le concept du stacking par des sites spécialisés fait cependant encore débat. Hier, sur Twitter, un joueur et influenceur américain, Johnnie Vibes, partageait un message privé d’un « fan » qui lui demandait quand il pourrait avoir une part d’action de ses tournois. Vibes, qui n’avait jamais fait cette démarche, disait hésiter. Très vite, Tony Dunst, figure charismatique du World Poker Tour, faisait alors entendre une voix assez rare sur le sujet : « Ne vends pas d’action, si tu n’en as pas besoin. Il y a plein de façon de faire vibrer tes fans, sans avoir à vivre cette situation gênante qui consiste à leur prendre leur argent… » Joey Ingram, l’une des personnalités les plus en vogue du TwitterPoker américain, prenait quant à lui le contrepoint, assurant que le stacking était, à la manière du sports betting, une façon pour les anonymes de vivre plus intensément la compétition des professionnels.

Au delà des comptes et des chiffres, des rêves de fortune sans même toucher une carte, le débat autour du stacking anime encore les discussions entre joueurs pro. Il y a deux jours, une grindeuse américaine « offrait » 3% de son Main Event à un joueur handicapé qu’elle avait rudement traité à table. On le sait, même si tout est flou, les swaps entre pros (échange d’action entre deux joueurs participant au même tournoi) sont courants, et sont souvent accusés de fausser l’esprit de compétition dans les tournois à petits fields mais gros buy-in, puisque la variance est lissée pour ceux qui possèdent, au sein d’un petit groupe, de l’action commune.

En parallèle continue toujours le stacking de pros par des whales qui préfèrent ne pas aller au combat directement. Les rumeurs de pros ayant vendu plus de 100% de leur action se sont d’ailleurs parfois révélées réelles, après que le vainqueur d’une compétition à Monte-Carlo ait renégocié avec ses financiers : en gagnant le tournoi, il devait plus d’argent qu’il n’en gagnait… Et c’est sans parler des semi-pros prenant l’argent de leurs stackeurs, oublient de buy-in pour le tournoi concerné, et plaident le bust aux premiers levels ; ou ce vainqueur du Main Event WSOP, Jamie Gold, qui voulait renégocier son contrat de stacking après avoir décroché le titre et ses quelques 12 000 000$…

De grands champions ont souvent été soupçonnés d’être les horse de financiers hong-kongais ou américains, ne jouant jamais sur leur argent afin de se refaire ; récemment, un milliardaire stackait encore des joueurs dans le 250 000$, comme on mise aux courses. Il y a quelques années encore, les scènes, aux WSOP, d’hommes de main attendant des joueurs ITM devant des centaines de milliers de dollars à leurs stackeurs étaient monnaie courante. A Macau, ou lors de Series aux buy-in mirifiques, on aimerait connaître la réalité de l’action réelle aux tables entre jeunes multimillionaires du web, joueurs broke, Triades bien achalandées et swaps à tout va. Qu’importe, tant que le spectacle, et l’action, sont au rendez-vous.

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[Journal des WSOP — 18 juin] Rocking Las Vegas

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Le monde du poker sait aimanter les trajectoires folles, les particules élémentaires, les destins sans point commun avec le quotidien. Lib(éraux)-Lib(ertaires) (la plupart des joueurs), fous de MAGA aux carrières étourdissantes (James Woods, l’acteur inoubliable de tant de films, de Videodrome à Il était une fois en Amérique), Texans hyper-chrétiens aux arrangements intimes avec leur foi (Doyle Brunson en tête), scammers en tous genres (il suffit de regarder le forum consacrés aux joueurs indélicats sur 2+2, et vous aurez un certain who’s who du poker américain), justiciers newborns (Daniel Negreanu), apolitiques invertébrés (Yoh_viral, parmi tant d’autres) et même anarchistes intellos (en son temps, Mickey Appleman) comme le dernier vainqueur d’un bracelet WSOP (le HORSE à 1500$), Steve Albini.

La politique n’a pas cours autour des tables des WSOP, mais elle se joue plutôt sur Twitter, par blocages, retweets et shitstorms interposés. Steve Albini, lui, débat peu, mais se déclare souvent. Sa page est une heureuse foire d’empoigne et de franchise entre cette Amérique post-MAGA qu’il conchie. Loin d’un Negreanu qui applique ces terribles notions binaires de bien et de mal, et qui assume son schéma moralisateur, Albini est l’une de ces rares voix libres et singulières du poker-twitter. Il déboulonne les idoles de manière jouissive, se moque ouvertement de ceux qui ont pour cheval de bataille réactionnaire la question du genre et relancent leur carrière en se rangeant du côté de l’intolérance (l’humoriste Ricky Gervais en tête), se moque de lui-même et son « babil poker incessant pour les semaines à venir », partage de la musique noise et autres expérimentations soniques.

Il faut dire que Steve Albini n’est pas n’importe qui : avant d’être un joueur passionné (son pseudo twitter est d’ailleurs @electricalwsop), il a fait une énorme carrière de musicien et de producteur. Natif du Montana, dans ce trou incroyable qu’est Missoula (la ville, entre autres, qui aura vu l’une des plus belles voix de la littérature nature-writing américaine s’épanouir), il a vécu toute sa vie au beau milieu des rednecks à la fois libertaires et réactionnaires. Il n’aura gardé d’eux que le premier trait, et aura transporté sa folie créative dans un rock minimaliste et avant-gardiste. Côté production, il a même créé le son de plusieurs énormes groupes indépendants : Nirvana (pour In Utero) mais aussi les Pixies, PJ Harvey, les Canadiens de Godspeed You Black ! Emperor, Slint, les Stooges d’Iggy Pop, etc. En remportant cette nuit son deuxième bracelet de sa carrière, Steve Albini aura une fois de plus confirmé que tout ce qu’il touche se transforme en or, brut.

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