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Le journal Off du poker

[Journal Off des WSOP #2] : Almost Hellmuth

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Le Razz, Phil Hellmuth connaît. Et lorsque le premier tournoi de cette variante a débuté il y a quelques jours lors des World Series, le sang du « Poker Brat » n’a fait qu’un tour. Qu’importe le buy-in (1 500$ seulement), pourvu qu’on ait l’action, le frisson du bracelet qui se profile à l’horizon. Et cette année, tout comme en 2011, juteuse année de l’échec pour le joueur américain, commencera donc par une décevante seconde place. Il y a trois ans, Hellmuth a ainsi signé trois places de runner-up (dont la pire, lors du tournoi à 50 000$, pour plus d’un million de dollars de gains…), signé sa plus rentable des sessions WSOP mais aussi sa plus déceptive.

En ce tournoi de Razz des WSOP 2014, c’est contre le mur érigé par Ted Forrest que Phil Hellmuth s’est brisé. Ultra chipleader à trois joueurs restants, Hellmuth aura pourtant entamé le heads-up en tête et lâché peu de terrain à Forrest, ne cédant son avance que quelques minutes avant le dinner-break. Mais à ce moment du tournoi, avec les limites de mises qui tutoient les sommets, les joueurs n’ont que quelques coups en manche, dans un jeu à tirage qui peut vite coûter cher… Ce qu’Hellmuth cherchait, bien évidemment, n’était ni les 120 000$ réservés au gagnant ou les 70 000$ du runner-up : non, la course au bracelet venait d’être lancée pour le recordman toutes catégories, qui en compte déjà treize au compteur.

Forrest n’est pas un étranger pour Hellmuth : détenteur de trois bracelets, il fait partie de cette génération old-school de joueurs made in USA. Pendant un temps, même, il aura servi de backer à Hellmuth, finançant les tournois du jeune champion en devenir. Habitué des plus hautes limites (il a « servi » dans l’équipe jouant contre le milliardaire Andy Beal, « The Team », où les blindes sont allées jusqu’à 100 000/200 000$ en heads-up), il connaît le Stud et le Razz comme sa poche (premier bracelet en 1993), et ne connaît plus depuis longtemps la pression de la compétition. Déçu, ou presque, Forrest à la fin : si Hellmuth avait remporté son quatorzième bracelet, il serait plus encore entré dans l’histoire. Mais l’été est long, et le Brat infatigable.

Jerome Schmidt

(crédit photo : WSOP.com)

BONUS : un entretien effectué pour Poker52 il y a un an et demi, après sa victoire aux WSOPE à Cannes

A quel point votre titre de plus jeune champion du monde en 1999 a changé votre vie ?

J’ai commencé par acheter un magnifique condo à Madison dans le Wisconsin, face à l’eau, avec même une mare à canards ! Je l’ai payé cash, en une fois, je n’en revenais pas… Puis j’ai acheté une Cadillac, un truc de conservateur américain ! (rires) Et quelques mois plus tard, je suis passé aux Porsche… Au départ, j’ai gagné pas mal en notoriété, mais cela n’a rien à voir avec ce qui se passe maintenant, avec la télévision et internet…

Vous n’avez pas tout flambé en quelques semaines ?

J’ai du en reverser pas mal, c’est vrai (rires) ! Mais heureusement, j’ai acheté des choses en « dur » et j’ai mis de côté 150 000$ pour mes impôts. En 1990, au mois d’avril, lorsqu’il a fallu payer le gouvernement, je ne me suis pas retrouvé broke, mais il ne me restait plus que 20 000$ en cash, en plus de l’appartement et de la voiture. Mais pour un gamin de 24 ans, je trouve que j’ai été assez raisonnable, je ne me suis pas endetté au moins.

Etait-ce votre plus belle victoire ?

C’était tout simplement extraordinaire. Mon père détestait que je joue au poker et il était venu me soutenir en table finale, pour me montrer qu’il croyait en moi. C’était la première fois, et je gagne le Main Event ! Je me souviens parfaitement de la dernière carte : j’ai les bras en l’air, tout semble au ralenti, je serre le poing, et je tourne la tête, mon père court vers moi, il est arrêté par la sécurité, mais je hurle pour qu’ils le laissent passer, et nous finissons dans les bras l’un de l’autre. Le lendemain, je lui ai acheté une Mercedes, et depuis, il n’est jamais plaint que je joue au poker ! (rires)

Qui étaient vos idoles lors de vos débuts dans le poker ?

Je vénérais un type du nom de Jack Keller, champion du monde 1984, un ancien pilote de l’US Navy, qui était toujours accompagné de sa femme à chaque tournoi. Il avait également gagné deux titres du SuperBowl of Poker. Il était très bon en Limit Hold’Em, en tournoi et en cash-game. Il était un exemple pour moi, tout comme mon père, qui avait réussi à construire un couple aussi solide. Il a toujours été l’exact opposé du « Poker Brat » ! (rires)

Quelle a été votre premier partie de poker ?

J’ai du toucher ma première main de poker à 20 ans : il y avait une partie dans mon université du Wisconsin. J’ai perdu les deux premières fois, emprunté 100$, les ai reperdu, donné mon permis de conduire en gage contre 100 dollars en plus puis gagné 500$ à la troisième reprise. Pendant deux mois, j’ai travaillé dans les champs, à ramasser des pierres, pour me payer mes parties de poker. Je passais mes journées sous le soleil brûlant, et j’allais les rejouer au poker le soir. Je me suis mis à penser, boire, manger et dormir « poker ». J’ai ensuite commencé à bien gagner, puis me suis invité à une énorme partie de notables à Madison, Wisconsin, contre les médecins et les avocats du coin. Je les ai rasés, littéralement. A 21 ans, dès que j’ai pu, j’ai conduit jusque Las Vegas, et j’ai fait une véritable traversée du désert à table : perdu, perdu, perdu, perdu. Au bout de neuf voyages, je me suis mis à gagner. A l’époque, tous les champions des petites villes américaines se retrouvaient à Las Vegas pour se mesurer entre eux. Internet n’existait pas, et il fallait aller à Vegas pour s’améliorer. Dix voyages, et j’étais lancé…

Lors des WSOP 2011, vous avez manqué à plusieurs reprises un nouveau bracelet. Comment avez-vous vécu ces places de runner-up à répétition ?

Le plus dur a été ma seconde place lors de l’épreuve de Deuce-to-seven. J’avais déjà été dans la même situation, dans le même tournoi, en 1993, contre Billy Baxter. Nous sommes à tapis, et Baxter cherche une carte pour battre mon « pat 10 », et il touche sa carte miracle, puis arrive à revenir et prendre le titre. J’ai fait tellement de tables finales ensuite, mais on ne s’en rend pas compte car si ce n’est pas une place payée, ce n’est pas comptabilisé. Une fois également, à tapis à 4 joueurs, je joue toutes les cartes, sauf un seul 2, et mon adversaire le touche ; Huck Seed, dans la même situation, me bats sur un tirage incroyable. Cette année, lorsque John Juanda refait son retard et me bats, je suis sorti essoré, lessivé, dévasté. J’avais ce bracelet au bout de la main et il m’a échappé… Je suis parti à l’hôtel Aria, me suis assis au bar pour boire des Scotch. J’ai fait des cauchemars incroyables, alcoolisés, puis j’ai été m’asseoir à une grosse table où j’ai gagné 30 000$. J’ai refait le match pendant trois jours : aurais-je du payer ? aurais-je du relancer ? et si une autre carte était tombée ? Mon autre seconde place, lors du Stud-8, n’était pas si difficile, alors que j’ai longtemps été chipleader. A 7 joueurs restants, je ne pensais même pas survivre. Puis à trois joueurs, j’ai perdu un pot scoopé qui m’a fait très mal, mais je n’étais pas aussi à l’aise que dans le Deuce-to-sevent. La troisième seconde place était très dure, même si je n’ai pas joué le meilleur heads-ups possible en Hold’Em. Pourtant, j’ai perdu un pot à tapis où j’étais 84% devant, et, pareil, j’aurais gagné le plus beau tournoi au monde ! J’ai étonnamment manqué d’expérience en Hold’Em car ces dernières années, je m’étais laissé aller sur cette variante. Ce qui était très positif, c’est que 99% des gens étaient pour moi, car je m’étais bien conduit lors des derniers échecs : pour la première fois de ma vie, les gens étaient de mon côté, et c’était un sentiment incroyable. Lorsque j’ai sauté en deuxième place, j’ai essayé de rester classe, de serrer les mains de tout le monde, de répondre aux interviews… Mais, bon, j’ai tout de même fini la nuit au bar…

Pensiez-vous que les gens pouvaient autant vous aimer ?

L’an dernier, lors des dinner-breaks, la structure était si lente que je partais dîner pendant 2h30, je buvais de l’alcool, et je revenais dans un état pas toujours recommandable. Cette année, j’étais tellement concentré que je repartais avec ma femme dans ma chambre à l’Aria, je mangeais rapidement, puis je faisais une sieste. J’étais venu si déterminé… Même après l’élimination, je ne pensais qu’à la stratégie, pas au désespoir. Après ma deuxième seconde place, les gens venaient me voir : « Tu t’es hyper bien tenu, Phil, c’est génial ! » Et moi, j’étais très étonné : « Ah vraiment ? » Je ne réalisais pas la différence. Tout le monde m’assurait que si, qu’ils étaient de mon côté… J’ai compris qu’il était temps de grandir un jour ou l’autre, que même si j’étais dégoûté, il fallait se contenir. Le tournoi 8-game à 50 000$, c’était un tel rêve, je le touchais des doigts, c’était une sensation incroyable.

Les WSOP sont-elles la seule et unique Mecque du poker ?

Je suis venu la première fois en 1988, où j’ai fini en cinquième place d’un tournoi Stud 8-or-better. Puis j’ai fait mon premier Main Event, où j’ai pris le chiplead rapidement. Je me suis retrouvé face à Johnny Chan, à qui j’ai voulu placer un énorme bluff. Il m’a payé, et j’ai sauté 33ème. A ce moment, j’ai su que mon but dans la vie était de gagner ce Main Event. Je l’ai fait l’année suivante. J’ai réalisé tous mes rêves grâce à ce moment incroyable de 1989…

Où préférez-vous jouer au poker ?

La nouvelle salle de poker du casino Aria à Las Vegas est proprement géniale : très bon service à table, confort maximal et de très belles parties, dont du poker chinois open-face, qui est une variante qui permet de se détendre entre des variantes plus compliquées. C’est un casino vraiment moderne, grand luxe, et qui sait prendre soin de ses clients. Autrement, j’aime toujours autant boire un cognac et jouer à l’Aviation Club de France, qui est un cercle mythique, ou m’arrêter à Malte, qui est une île magnifique.

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[WiPT Paris – Journal off] Comme un joueur

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Comme un joueur, j’ai cru en mes chances. Cédé à l’ennui de la mi-journée pour buy-in un satellite à 100€, et le gagner, à force de cartes folles.

Comme un joueur, j’ai enchaîné directement par un turbo Day 1 pour le Main Event. Comme un joueur, je suis allé prendre l’air, respirer une dernière fois avant d’entrer dans l’atmosphère de néons blancs et de hangar des salles de tournoi.

Comme un joueur, j’ai enfoncé mon casque, mis en boucle le même morceau lancinant, j’ai dit bonjour au croupier, en anglais ou français selon leur nationalité, j’ai recouvert le babil de mes adversaires des premiers niveaux par un drone en différence et répétitions, j’ai occulté le monde extérieur pour trouver un rythme intérieur.

Comme un joueur, rénégat cette fois, j’ai dû rendre mon accréditation presse au responsable du tournoi, histoire de déiontologie. Comme dans un (mauvais) film policier français, où un flic corrompu dépose pistolet en holster et médaillon de flic sur son bureau, avant de repartir avec son carton vide sous le bras.

Comme un joueur, cela m’a passablement agacé, alors je suis resté concentré. Au lieu d’aller avaler une pizza cartonneuse (18€) ou un « hamburger édition spéciale Johnny Halliday » (26€) dans les rades de cette porte de Paris, j’ai fait le tour à grandes enjambées des autres espaces du salon, pour rester dans ma (toute petite) bulle.

Comme un joueur, j’ai tenté un re-steal en grosse blinde avec une main pourrie (3-8 offsuit), payé debout sur la table par un relanceur avec paire de Dame. Comme un joueur, je suis retombé à une vingtaine de blindes, et j’ai attendu maussade qu’on oublie mes move débiles.

Comme un joueur, j’ai eu trois paires de suite, et comme un joueur, on a fini par me payer, et j’ai triple-up, et je me suis dit que j’étais vraiment le meilleur, et que plus rien ne pouvait m’arriver.

Comme un joueur, j’ai passé le Day 1, je suis entré dans l’argent, et comme un joueur, j’ai regardé le payout des places finales, imaginant ce que je ferais de l’argent vu que je finirais dans le Top 3.

Comme un joueur, j’ai ignoré les injonctions des amis m’enjoignant à « aller me reposer », et au lieu de cela, je suis allé à une fête prévue de longue date. Comme un joueur, je me suis réveillé à 2h30 du matin dans un bar qui passait du métal à 120db, et je me suis dit qu’il était temps de rentrer, peut-être.

Comme un joueur en gueule de bois, j’ai dépensé mes derniers euros en bouteilles de badoit glacée, je les ai bues d’affilée en attendant le début de la deuxième journée de tournoi, mâchonnant deux pommes pour couvrir mon haleine frelatée. Comme un joueur, j’avais envie d’être autre part, et puis a résonné le lancement de cette deuxième journée, et j’ai branché mon casque au téléphone, puis la musique a redémarré, et les premières cartes sont arrivées.

Comme un joueur, Caroline Darcourt m’a pris en photo, et j’étais plutôt content, même si je déteste ces moments, car Caroline a cette empathie qui rend chacun désirable sous son objectif.

Comme un joueur, j’ai fait ami avec mon voisin de table, avant de lui prendre un gros coup, et comme tous les autres joueurs autour, j’ai maugréé à chaque fois que nos tables étaient cassées, et comme un joueur, j’ai foldé, foldé, foldé, puis foldé à nouveau.

Comme un joueur, en huit heures de jeu, j’ai touché une seule paire (de 7, qui touche brelan au flop, et me propulse bien au-delà de l’average), pas une seule main au-dessus d’As-Dame offsuit, et comme un joueur qui regarde les autres joueurs, j’ai du voler la plupart de mes pots, pour attendre un ailleurs plus souriant.

Comme un joueur, j’ai fait le bluff le plus pourri du monde, et comme en face un joueur avait les As en main, j’ai dû faire une horreur pour le sortir. Comme un joueur, j’ai balbutié quelques mots ridicules, car on ne sait jamais comme consoler un autre joueur d’une petite mort imméritée. Comme un joueur, j’ai fermé les écoutilles pour ne pas entendre les moqueries des autres.

Comme un joueur, j’ai attendu et rebondi, j’ai passé un (beau) coup à un semi-pro imbu de lui-même, et je lui ai montré mes cartes car je suis moi aussi un joueur imbu de moi-même.

Comme un joueur, j’ai checké un inconnu après un beau coup, comme un joueur, j’ai écouté mes semblables déverser leurs bad beat, comme un joueur, je les ai entendus se justifier de leurs moves les plus absurdes, comme un joueur, j’ai demandé à mes voisins de table si j’avais bien joué mes mains, histoire de savoir comme eux le feraient.

Comme un joueur, à la pause, je me suis précipité recharger mon téléphone, j’ai fait la queue interminable dans des toilettes saturées, et comme un joueur, j’ai tout fait pour ne pas les entendre parler de re-buy, de tournois high-roller ou de side-events.

Comme un joueur, à environ 100 joueurs left, j’y ai cru encore plus, car j’avais bien au-dessus de la moyenne, car le rythme à table était calme, car j’avais tout le temps du monde et une gueule de bois oubliée dans les effluves de sueur aigre des autres joueurs.

Comme un joueur, j’ai complété un min-raise de la petite blinde, en big blinde, avec 9-10 de coeur. Comme un joueur, j’ai vu apparaître un flop agréable, Dame-Valet-2 offsuit. Comme un joueur, j’ai misé les 2/3 du pot, comme un joueur, mon adversaire, qui avait checké, a payé. Comme un joueur, j’ai vu un turn apparaître, avec rien de plus à l’horizon. Comme un joueur, j’ai check-back pour voir une carte gratuite. Comme un joueur qui voit la lueur au bout du tunnel, j’ai vu un Roi arriver. Et un tapis face à moi. Et comme un joueur avec la deuxième meilleure main possible, je n’ai pas hésité, et j’ai eu une montée d’adrénaline mal identifiée. Comme un joueur qui envisageait de perdre, j’ai payé, et j’ai perdu. As-10 pour une quinte supérieure. Comme un joueur, je viens de vous raconter mon badbeat.

Comme un joueur qui venait de buster, je suis parti l’air vaguement détaché, alors que j’étais agacé, déçu, énervé —contre moi, surtout, mais bien sûr contre le monde entier, car l’enfer, c’est les autres. Comme un ex-joueur, j’ai été toucher mon gain (1750€), et comme un joueur, j’ai fait la liste de ce que cela m’offrirait —une paire de chaussures trop chères, une montre ancienne, un restaurant japonais— et comme un joueur, j’ai rapidement calculé qu’il y en aurait pour bien plus que cela.

photographie Caroline Darcourt pour Winamax

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Autres tournois

[WiPT Paris – Journal off] Tout peut arriver

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La musique du hasard est celle qui sert de bande originale à tous les casinos, clubs, cercles, clandos, parties privées, écrans d’ordinateurs du monde entier. Elle résonne comme une ritournelle, change en intensité au fur et à mesure que l’odeur de l’argent entête nos sens, se fait plus strident au moment du couperet de la bulle, puis repart en drone lancinant jusqu’à ce que les vraies places payées (voire les places vraiment payées) se découpent dans l’horizon.

Dans la vie, tout peut arriver, non ? A la table de poker, c’est un pré-requis. Prenez Suat Uyanik, hier soir, au Day 1D, façon Turbo, du Main Event de la finale du WiPT. Réduit à quelques jetons, à peine une grosse blinde, ante non comprise, il part à tapis avec 2-10 de pique, contre une paire de Rois. Flashforward, deux heures plus tard, le voilà quasi-chipleader de la journée, sans être passé par la case re-entry. Entre temps, le 10 avait fait brelan, son tapis avait doublé, puis doublé, puis doublé, puis… Le tempo du hasard s’était accéléré, avait réinjecté un peu de vie et de grinta à celui qui s’était déjà levé et avait enfilé sa veste.

Au poker, tout arrive. Des champions multi-médaillés en viennent à quémander des buy-ins pour midstakes. Des As du online, adulés par des générations de spectateurs, sont jetés à l’opprobre publique pour n’honorer aucune dette et piétiner l’honneur de leurs créanciers. Ce qu’on leur reproche, finalement, n’est pas cette attitude moraliste qui vaut que toute dette doit être remboursée. Qui se fiche bien de savoir si Haralabob Voulgaris, quasi-milliardaire du betting américain, a bien été remboursé de quelques centaines de milliers de dollars par Tom Dwan ? Non, ce qui choque, ce qui blesse, ce qui heurte au plus profond de nous, c’est que ces héros tant admirés, ces bluffs fous et si bien construits qu’ils nous ont agités devant le nez n’étaient qu’instants de pure intensité, prélude à la musique bien plus banale du hasard et du (mauvais) coinflip. Si nos héros nous trahissent, en qui peut-on encore faire confiance?

Et demain, une fois que les quelques 500 joueurs (approximativement puisque le record de 3000 inscrits a déjà été dépassé au moment où nous écrivons ces lignes, et que 16% du field se hissera en Day 2, dans l’argent) auront repris leur place, tout arrivera. Des shortstacks d’une demie blinde entameront une remontée fracassante, parfois brisée en plein vols ; des joueurs à l’aise feront le squeeze de trop, se prendront le mur d’une mauvaise « rencontre »/set-up ; d’autres partiront en maugréant qu’ils « avaient l’équité de toutes façons ». Vu que tout peut arriver, autant s’y préparer.

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Coverage

[Finale WiPT Paris — Journal off] La Familia grande

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« Toutes les familles sont dysfonctionnelles, non ? » plaisantait un ami qui écoutait patiemment son confident du jour au restaurant, à la table jouxtant ma solitude de mi-journée. Sans me retourner, j’aurais pu opiner du chef : toute organisation sociale, humaine, est par essence dysfonctionnelle, bancale, en ébullition constante, au bord du précipice mais, miracle d’un grand ordre invisible, tout se passe le plus souvent assez bien.

Le monde du poker ne déroge pas à la règle. Le poker, une grande famille ? Bien évidemment : dans ses travers comme ses passions, dans ses relations et ses antagonismes, dans ses concurrences et ses alliances. Pour les « vieux de la vieille » qui ont connu le début du poker en France —amené, d’un côté, par Bruno Fitoussi au sein de l’Aviation Club de France, il y a plus de trente ans ; de l’autre, au grand public, par Patrick Bruel et le WPT puis la room maison, Winamax—, cette famille dysfonctionnelle a bien évolué, même si la plupart des acteurs de l’époque sont encore présents.

Contrairement au mondes des joueurs où les disparus jonchent les rivages mémoriels de ceux qui écumaient les cercles de jeux de l’époque et les premiers tours européens (à l’époque, c’était Amsterdam qui faisait figure de Graal des tournois du vieux continent), le business du poker se recycle et perd peu de forces vives. Il y règne, justement, un esprit de famille. Tout le monde, ou presque, a travaillé avec l’autre. Tout le monde se connaît. S’ignore ou se jauge, s’embrasse ou se charrie. Une famille, avec ses générations, ses cousins par alliance et ses branches éloignées. De l’époque des cercles de jeux, cette grande famille a gardé bien des acteurs, depuis essaimés au sein des clubs parisiens ou chez les casinotiers. L’heure n’est plus aux troubles financements des ces Associations de Loi 1901 sans but lucratif (un bon résumé de la quadrature du cercle de l’époque), mais aux sociétés commerciales clairement gérées. La « guerre des cercles » qui avait fait les choux gras de la presse police/justice est depuis longtemps remisée dans les archives familiales du poker. Désormais, même si la concurrence entre clubs est réelle, comme pour tout secteur commercial, la plupart du temps les calendriers de tournois sont décidés en toute intelligence, et sans guerre frontale. La famille a muri, elle s’est assagie.

Côté rooms online, le marché s’est lui aussi stabilisé, et même si les trois gros opérateurs français n’organisent pas encore des tournois tous ensemble —on n’a pas, à notre mémoire, de tel exemple dans l’histoire internationale du poker— il existe un podium désormais solide en terme de marché. Winamax, numéro 1 francophone, a plié le game, évité les rachats et offres agressives de l’international, et gère avec l’esprit de famille sa société. Il suffit d’entrer dans une salle de tournoi brandée W pour croiser des têtes habituelles depuis bien des années. Les fondateurs sont encore en place, l’équipe éditoriale et marketing est profondément soudée aux racines de la société. Une famille multiple, qui occupe plusieurs étages, mais qui fonctionne à dimension humaine.

Côté tournois live, c’est avec le même sentiment de famille que Texapoker fonctionne. Au-delà du père fondateur, taiseux et professionel, généreux et discret, qu’est Apo Chantzis, on croise ses fidèles lieutenants depuis des années, toujours aux postes, et même son propre frère. Une famille sur la route, comme une caravane de cirque qui s’arrêterait à chaque ville que la France et ses diagonales de la suburbia proposent, déplie ses tables, affiche ses logos et drapeaux, remise ses costumes et ses noeuds papillons pour offrir un spectacle rodé et affûté, chaque soir, avant de repartir vers d’autres horizons.

Les salles presse sont habitées du même sentiment de familiarité. Que l’on entre dans la salle presse du World Poker Tour au Wynn à Las Vegas, tout en marbre rose et moquette épaisse, ou dans celle du WiPT, au fond du grand hangar de la porte de Versailles, on croise des profils qu’on voyait déjà lors de nos propres débuts, en 2005, dans les couloirs réfrigérés de l’Amazon Room au casino Rio à Las Vegas. Bien sûr, les corps se sont épaissis avec les années, les cheveux ont disparu ou grisonnent discrètement, mais les mêmes amitiés et inimitiés y règnent. Les rumeurs et les disputes, l’entraide et les mesquineries, les coups de main comme les paranoïas y ont la même place que dans n’importe quelle branche de la société. Comme dans une familia grande il n’y a pas de raison de revenir en arrière quant à ses propres jugements hâtifs. Le temps n’efface rien, tout au mieux laisse-t-il à chacun d’écrire ses propres vies, loin des tapis verts : l’un est devenu romancier à succès, l’autre a affronté la société bourgeoise du cinéma de la FEMIS et rêve de long-métrages, certains vivent leur passion de gloire et d’autres de famille. La famille est grande, élastique, multi-dimensionnelle, et accueille à chaque nouveau stop quelques têtes encore inconnues. Les prochaines générations, elles, ont encore le temps de se créer leurs propres embrouilles et drama intimes.

Jérôme Schmidt

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