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Le journal Off du poker

Journal des WSOP (12 juin 2011) : Où passerez-vous l'éternité ?

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Les week-ends des World Series se suivent et se ressemblent : de longues queues dès 10h du matin afin de dépenser les 1 000 ou 1 500$ nécessaires pour vivre le grand rêver du poker professionnel. Dans ces tournois-monstres qui accueillent plus de 2500 joueurs à chaque édition, la variance est énorme. Il suffit de traverser méthodiquement les allées de la Pavillion Room —trop petite pour accueillir tous les inscrits— pour mesurer la passion du poker amateur aux USA. Car si le Black Friday a étrangement gommé la jungle de logos de ces « petits » tournois, les joueurs ont tout de même fait le déplacement pour ces tournois au prizepool énorme. Il faut plusieurs minutes à l’observateur attentif pour dénicher quelques têtes connues : un Tom Dwan lunaire, à une table d’inconnus, qui bataille avec un maigre tapis ; JJ Liu, chapeau extravagant comme à l’habitude, non loin de Jennifer Tilly, visiblement fatiguée ; quelques Français dans un mouchoir de poche, avec Roger Hairabedian, habillé comme un kid de Baltimore, très concentré, ou J-P Léandri, qui avait fait rêver il y a deux ans le contingent français avec sa magnifique troisième place en finale de PLO.

Si les structures de ces tournois (4 500 jetons de départ, levels d’une heure, départ en 25/25) ne sont absolument pas honteuses, la diversité du field rend l’exercice difficile et quelques erreurs ont vite fait de montrer le chemin de la sortie. Droit vers le « Poker Valet », où cette année sont absentes les immenses caravanes de Negreanu, Hellmuth et consorts. Une fois dehors, à la gauche du Strip, Industrial Road, la véritable route du vice de Sin City, une longue enfilade de préfabriqués qui longe en contrebas l’autoroute I15. Plus vous avancez sur Industrial Road, plus les réclames se font explicites : un « temple de l’érotisme dirigé par un Docteur en Histoire de la Sexualité Humaine » ( ?), tout de suite jouxté par une première boîte de strip-tease intégral. Longez encore un peu plus le bitume brûlant qui passe derrière le Treasure Island et le Wynn, et arrivez ensuite au bunker au centre de tous les fantasmes : le Sapphire, plus grand club de strip-tease au monde.

Au dehors, rien d’extraordinaire : des dizaines de caméras de surveillance cachées dans les palmiers avoisinants, deux parkings vides ou presque, et un immense hangar beige, brique lourde qui se découpe dans le paysage éblouissant du Vegas diurne. Les « filles du Sapphire » ne sont pas inconnues des joueurs de poker : elles officient toute la journée sur un petit stand situé en face de la poker-room des WSOP, et distribuent en bikinis bleu-pétrole des tracts VIP pour le club. « Une expérience inoubliable, » résume la plus jeune d’entre elles, aux bras trop maigres et aux bleus encore visibles sous le voile chair qui couvre ses jambes. Elle frissonne sous l’air conditionné trop froid des couloirs du Rio, les yeux vides et le sourire mécanique. Pourtant, son petit jeu suffira sûrement à « rabattre » quelques dizaines de joueurs, en quête de frissons. Beaucoup ne connaissent pas la ville, et résument leur déplacement à un triangle désormais inévitable : hôtel-Amazon Room- Club de striptease.

Face aux flots de joueurs déconnectés du réel de la ville, Las Vegas a dû réinventer toute une flopée de sous-métiers disparus depuis longtemps des civilisations occidentales avancées : porn-slappers porto-ricains distribuant des cartes de visites d’escort aux touristes du strip ; anonymes arborant d’énormes pancartes « Liquor Store Here » sous les 40 degrés du soleil du Nevada, au beau milieu des rues ; crieurs de rues devant les casinos menant au Downtown afin de rabattre le chaland. Au beau milieu de cette foule, Josh détonne. Raide dans on costume mal coupé, il distribue un sourire factice aux lèvres un petit fascicule juste en face du casino Sahara, à l’ombre de la tour des Hilton Residences : « Where will you spend eternity ? ». Car Josh est évangéliste, venu spécialement ce week-end d’Illinois. « Hey my man », m’interpelle-t-il avec un étrange accent afro-américain hérité des banlieues sud de Chicago. « Feel like talking to God down here ? » Josh n’a pas de chances : il est posté face à un casino qui vient de fermer définitivement il y a quelques semaines, et les rares égarés ont déjà tout perdu. Seuls des hommes à la peau brûlé par le soleil, sans âge et sans origine, passent devant lui, traînant derrière eux un paquetage écorné, et quelques cents dans les poches. « Thank you Christ who died for me ! Now your life can change, and you can spend eternity with Him ! »


Un peu plus bas sur Las Vegas Boulevard, toujours plus au nord, débute la longue litanie des Pawn Shops, des échoppes borgnes ouvertes 24/24. Le samedi, les familles latinos du quartier font la queue devant ces enseignes pour y vendre quelques objets de valeur : appareils photos, dents en or, montres. L’ambiance y est étrangement joyeuse : on s’y prend en photos, on discute du contenu de ses gros sacs en jute avec ses voisins de file, le temps que le gardien en chef vous appelle et vous intime à entrer à l’intérieur. Certains utiliseront l’argent recouvré pour le dépenser le soir-même dans un casino du Downtown, ou offrir un buffet à toute sa famille ; d’autres n’iront pas si loin : à quelques mètres seulement, tout autour du Palais de Justice de Vegas, des officines de jail bonds proposent d’avancer à crédit l’argent nécessaire pour faire libérer les prisonniers en conditionnelles.

Jérôme Schmidt

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[Journal Off des WSOP — 31 mai] Pour quelques millions de dollars de plus

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(Durant l’édition 2023 des WSOP, nous tiendrons, à distance, un « journal off » comme nous le faisons depuis plusieurs saisons, afin de raconter à notre manière une autre vision du plus grand évènement poker de l’année)

Tout est prêt pour l’édition 2023 des World Series Of Poker : des salles immaculées sises au Paris et au Horseshoe (feu Bally’s), en plein Strip de Las Vegas ; une légion de croupières & croupiers, de chefs de partie, de serveuses & serveurs, le doigt sur la couture, attendant les premiers inscrits au tournoi à 25 000$ qui vient ouvrir ces quasi deux mois de compétition ; les hustlers en tout genre qui remontent Las Vegas Boulevard, hantent les bars à vidéopoker des casinos ou exécutent quelques tricks dans les ruelles perpendiculaires, au hasard de l’ombre et de la nuit. Tout est prêt, comme au générique d’une grosse production de cinéma, mais il manque encore le frisson du gamble, celui qui fait chavirer les têtes des pros les plus aguerris ou fait naitre des rêves fous chez les grinders low-stakes d’outre-Atlantique.

Il faut aller un peu plus loin, en Californie, du côté de Los Angeles, pour remonter aux sources de ce qui fait vibrer les observateurs du poker : c’est dans un casino connu uniquement depuis le « scandale du J-4 » qu’ont lieu actuellement les plus gros cash-game de l’histoire du poker télévisé. Le streaming du Hustler Casino Live fait le plein de vues dans le monde entier, malgré un casting un peu redondant, qui force le trait sur les personnalités clivantes —Nik Airball, en gambleur fou ; Doug Polk, en jock énervant et pénible ; des millionaires asiatiques aux fortunes supposées en cryptomonnaie ; Tony G, qui semble parfois jouer scared money ; le très sympathique Rob Yong, en grande gueule humaniste—, la nuit du 30 mai a été riche en émotions avec le retour d’un éternel revenant, Tom « durrr » Dwan. C’est autour de lui que se sont joués les plus gros pots : un call interminable face à un tirage raté de Doug Polk, pour plus d’1,2 millions de dollars ; un bluff contre Polk qui passe tout juste ; et surtout un call incroyable face à Wesley, un gambler d’origine chinoise aux poches sans fond, pour plus de 3 000 000$.

Dès lors, comment se motiver pour le poker de tournoi qui demande rigueur pendant plusieurs jours et de « passer entre les balles » des coinflips à plusieurs reprises ? Ces joueurs high-rollers prendront pourtant surement bientôt un jet privé (où les parties continueront) afin de se poser quelques jours au Big Game du Bellagio, de l’Aria ou du Resorts World ; ils flamberont quelques bullets à 25 000, 50 000 ou 100 000$ (le One Drop For One Million est désormais passé sous l’égide du WPT, organisé en parallèle du WPT Championship de fin d’année), multiplieront les prop-bets afin de pimenter les prizepools à six chiffres qui correspondent à un petit pot de cash-game. Pourtant, à voir la ferveur des vainqueurs des WSOP, à vibrer avec eux au rythme de leur survie et leur triomphe d’un Event pour la première ou la dixième fois, on aura tendance à se placer du côté de ces amateurs et ces professionnels —comme l’indéboulonnable Phil Hellmuth— qui placent l’exceptionnel (la victoire, les bracelets, la singularité, le symbolique) avant le business as usual : ces quelques millions de dollars de plus.

Jérôme Schmidt

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[Journal des WSOP – 14 juillet] Et au Septième Jour, Hairabedian ressuscita

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Le feuilleton (web) de 2022, pour certains membres de la communauté poker, n’est pas diffusé sur de grandes plateformes de productions vidéo. Il suffit plutôt d’aller traîner du côté de l’un des nombreux comptes de réseaux sociaux de Roger Hairabedian, afin de vivre en direct les affres d’un homme qui a longtemps été considéré comme l’un des plus populaires du circuit. Proche des joueurs, enchaînant Pagnolades avec son accent certifié 100% Vieux Port, celui qui a notamment remporté deux titres WSOP-Europe et activement travaillé à l’essor des tournois de poker au Maroc, avait bien commencé sa vie sur le plan sportif, judoka de renom ayant croisé le fer (et les clés de bras) dans des compétitions internationales au sein de l’équipe de France, à la fin des années 1970s. Basculant dans le monde des arrières-salles du poker à la marseillaise, il a fourbi ses armes dans un monde interlope où le cash change de main en toute discrétion, faisant un tour par la case prison par la suite.

C’est en 2009, après avoir remporté le Grand Prix de Paris à l’ACF pour plus de 400 000€, que Roger Hairabedian a commencé à se frotter aux réseaux sociaux. Ce move, qui part d’une bonne intention, va être déterminant sur la suite de sa carrière. Né en 1955, il s’adapte pourtant très vite à l’exercice, ouvrant ainsi un fil de discussion à son sujet sur les forums de Club Poker. Treize ans plus tard, le million de vues a été dépassé et quelques 10 000 réponses ont été formulées. Au départ, tout se passe bien : les jeunes grinders aiment le franc parler du personnage qui manie, comme ses cadets, facilement l’ironie. Le joueur a de la profondeur, un vécu qu’il assume, et n’a pas été encore dépassé par son personnage public, surnommé « Terminator » ou, plus populairement « Big Roger ». Entre les deux générations, une complicité s’installe, allant jusqu’à encourager le joueur aguerri à reprendre en main sa santé —il est alors en surpoids— et à continuer de partager ses anecdotes.

Flash Forward. Alors que le COVID touche l’Europe en ce début d’année 2020, le BIG, comme il se fait désormais appeler, fourmille de projets de Poker Tour. Son idée, qu’il affine depuis déjà bien des années, est d’instaurer un large payout —30% environ— afin de préserver l’écosystème des joueurs récréatifs, et les faire revenir à ses évènements sans les ruiner. Il a déjà opéré dans plusieurs casinos du Maghreb en tant que consultant, ainsi que pour quelques compétitions hexagonales, mais, souvent, l’aventure s’est mal finie, pour des raisons qu’aucune des deux parties n’explicite vraiment. L’homme a accumulé des regrets et rancoeurs —jamais membre d’une Pro Team, évincé de l’organisation de tournois au Maroc, non sélectionné dans l’éphémère ‘équipe de France de poker’ mise en place par Alexandre Dreyfus, source de moquerie des ‘poneys’ d’internet, comme il les surnomme. « Roger Patrick Hairabedian » est devenu Le BIG, et son personnage a désormais pris le dessus sur le joueur sincère qu’il a été.

Durant ces trois dernières années, suivre les réseaux sociaux de cet alter-ego démiurge, c’est faire une plongée tête la première dans les eaux parfois troubles du milieu du poker low/mid-stakes, dans le quotidien de casinos de pays exotiques (Chypre, la Roumanie, etc.), mais aussi tenter de suivre la dérive presque maniaque d’un homme que presque personne ne semble plus pouvoir suivre. Il faut dire que Roger Hairabedian a dû là encore affronter l’adversité : l’un de ses trois fils (un trio qu’il surnomme affectueusement Le Bon, La Brute et le Truand) a eu affaire avec la justice marocaine en plein covid pour de supposées parties de poker illégales à Marrakech, et la paranoïa s’est installée dans le clan quant à l’identité de celui qui aurait « balancé » ; les tentatives de lancement de son « Big Marvelous Poker Tour » se sont soldées par divers échecs, la faute aux équipes, à l’homme ou aux casinos associés — personne ne sait jamais vraiment le déterminer ; des clashs sans fin avec des petites glorioles du web, comme Adrien Guyon, ancien sponsorisé Winamax et coach à ses heures de joueurs en ligne ; une équipe « félonne » d’anciens collaborateurs qui aura tenté de lancer un autre circuit low/mid-stakes sous le patronyme de « Player One », etc.

Le dernier scandale en date (du mois de juin, une éternité en « temps BIG » puisque les rebondissements se suivent et se multiplient plusieurs fois par jour sur ses réseaux sociaux) est à la fois une dénonciation sous fond de violons synthétiques d’une certaine Angélique Amar, à propos de malversations supposées de l’équipe du BIG — accusation qui trouvera une réponse sous la forme de vidéos face caméra déversant menaces et insultes à 5h du matin, en direct d’une boîte de nuit chypriote, par le BIG ayant vidé une bouteille de vodka ; puis quelques jours plus tard, un tournoi « Marvelous » à Chypre dont on n’aura jamais connu les chiffres de participation (a priori faibles) et dont la cagnotte a mystérieusement disparu au moment de payer les joueurs. S’en est suivie une semaine du « BIG mène l’enquête » à coup de vidéos iPhone qui donnent mal au coeur, où l’homme tente plus ou moins de justifier le trou dans la caisse (« détourné par l’agence de voyage », « les associés » ou « le casino », au choix) avant d’annoncer d’autres compétitions « Marvelous » sur la même île, mais dans d’autres établissements. La saga brandée Netflix n’est jamais loin, et lui-même ironise à ce sujet. Sa communication, singulière, n’est pas inintéressante : il sature littéralement d’informations, parfois contradictoires, change de ton et d’approche selon les heures de la journée (tantôt menaçant, tantôt énervé, tantôt plein d’humour) et ne laisse jamais le terrain libre.

Qu’importe, peut-être, le vrai du faux. Le BIG le sait-il d’ailleurs vraiment ? Dans ce monde de casinos sis dans des paradis fiscaux, d’intermédiaires étonnants et de cash qui circule de main en main sur fond de mauvaise euro-techno, de bars lounge éculés, de palaces grandiloquents et isolés, l’oasis est souvent inversée, double reflet d’une réalité si complexe et en marge qu’elle n’est plus qu’une chimère où tout un chacun tente d’y trouver une justification à sa destinée.

Pour qui est éligible à l’empathie, ainsi suivre les aventures du BIG ne peut que soulever un élan de sympathie humaine. L’homme est, visiblement, aux abois financièrement —il ne le cache d’ailleurs pas— et dans une sorte de fuite en avant qui fonctionne invariablement comme une courbe asymptote, chaque nouveau projet fait place à un autre, plus grandiose et démentiel, avant de mourir sans avoir jamais existé. Prague n’a pas fonctionné ? Qu’importe, allons en Bulgarie. Mal accueilli là-bas? Il y a bien sûr la « marvelous » destination roumaine. Ou chypriote. Ou sénégalaise. Ou américaine. Ou arménienne (la patrie de coeur de Roger Hairabedian). Entre temps, passent des vidéos du BIG, casquette à l’envers, en train de faire semblant de mixer de l’italo-disco sur une plage bulgare ou entonner en t-shirt Dolce Gabanna des mélopées d’Aznavour ou Joe Dassin dans d’improbables karaokés after hours.

Alors que le BIG était à terre, après un énième rebondissement négatif à Chypre —il avouait, dans l’une de ses dizaines de vidéos quotidiennes vouloir jeter l’éponge—, un grand bruit blanc s’est imposé pendant 48h sur son compte Facebook d’habitude si chargé en sessions de karaoké, vidéos clash, et autres réunions matinales avec lui-même quant à ses projets à venir. Alors qu’on le voyait souvent accompagné de son clan familial —ses fils et surtout son épouse Monique surnommée amoureusement ‘Nefertiti’, fidèle parmi les fidèles—, le BIG apparaissait bien seul, à se battre contre les moulins à vents chypriotes, Don Quichotte échoué et mis à terre par plus roués que lui, les bras désormais couverts de tatouages effectués à la va-vite : un drapeau arménien, un autre chypriote, un américain et une allégeance typographique à Jésus Christ… En réaction à ses publications, on pouvait apercevoir des commentaires de croupiers déçus de ne pas avoir été payés d’un évènement passé, ou un joueur turc s’agiter quant à une dette supposée…

Le BIG était submergé, jusqu’à ce qu’une lueur quasi christique (la rédemption qui, en langage poker, se traduit par « se refaire ») illumine son horizon proche : Karim Rebei, un de ses « poulains, pur-sang arabe qui n’a rien à voir avec les poneys d’internet », était chipleader du Main Event des WSOP à Las Vegas, à une cinquantaine de joueurs restants. Et à lire le BIG, c’était lui qui avait « fait » Rebei, sur la scène très active et interlope du poker nord-africain, quelques années plus tôt. On pressentait l’excitation du BIG de se refaire, lui-même partageant des captures d’écran de discussion avec Rebei où il demandait au futur (gros) ITM du Main Event un peu de cash, et de considération médiatique.

Clap. 48h de silence sur les réseaux sociaux, et une nouvelle vidéo s’allume sur le compte Facebook du BIG. C’est le Day 6 du Main Event des WSOP, et l’homme, t-shirt rouge ample, casquette dorée, large croix autour du cou, vient de débarquer à Las Vegas. On le disait « tricard du boléro », interdit de casino au Nevada pour de supposées grosses lignes de crédit jamais remboursées (la rumeur évoquait 400 000$, au Bellagio – lui-même avoue une dette de 200 000$ non encore remboursés depuis plus de dix ans), le voilà qui déjoue les pronostics et arrive, le souffle court, dans les travées des casinos Paris et Ballys. Il vient voir son « pur-sang arabe », et vibrer avec lui. Rebei est alors chipleader à 20 joueurs left, avec 50 millions de jetons devant lui et la gagne à 10 000 000$ en ligne de mire. Avec ce tapis, il fait table finale, voire Top 5 obligatoirement, assène le BIG. Et il compte bien toucher sa part de rêve (et d’ITM) en arrivant sur place.

C’est sans compter sur le style de Rebei, qui paye beaucoup préflop, et pense toujours savoir d’en tirer par la suite avec des bluffs et des contre-bluffs. Cela a réussi 6 jours durant, à force de confrontations qu’il gagne à chaque fois, des Roi-Dame contre paire d’As à tapis, et autres « horreurs » certifiées. L’homme marche sur l’eau, comme si son pseudonyme Facebook « DiamondsDiamonds » où il étale sa vie rêvée entre Dubaï et autres resorts réservés à ceux qui gagnent vite et flambent avec dextérité, allait enfin pouvoir s’affranchir de tout, et trouver l’argent nécessaire pour assumer ce mode de vie surfait. Mais au Day 7 du Main Event, Rebei a mordu la poussière, éliminé en seizième place du Main Event, se « contentant » de 410 000$ seulement, brûlant ses jetons mal gagnés en quelques mains.

Au Septième Jour, après cette élimination le BIG a disparu, et Roger Hairabedian a ressuscité. Adieu les fanfaronnades et les bons mots, place à un homme essoufflé, brisé, « déprimé » (selon ses termes), qui passe le temps à ressasser son rêve brisé (celui d’un autre homme pourtant, ce poulain trop fringuant qui n’a pas su s’arrêter et baisser le rythme) aux tables des Daily Tournament de cette fin de WSOP, au moment où tout le monde quitte Vegas, essoré par les buy-ins, par les filles facilement onéreuses, par l’inflation galopante (1$=1€), par la guigne, par la dépression du désert, par le manque des êtres chers. Face caméra, c’est Roger Hairabedian qui parle, quelques dizaines de secondes. La croupière le rappelle à l’ordre : pas de téléphone à table. Au Septième Jour, celui que tous les « poneys » et autres observateurs du poker apprécient depuis plus d’une dizaine d’année, est apparu, nu et ressuscité, avec le corps massif d’un homme au passé singulier, en proie à l’angoisse de l’avenir. Il est resté ainsi face à nous, en toute franchise, quelques instants, avant de disparaître à nouveau. Au Huitième Jour, le BIG est réapparu. Il va lancer le BPMT Las Vegas. Ou Los Angeles. Ou Chypre. L’avenir le lui dira.

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Le journal Off du poker

[Journal des WSOP — 27 juin] Pour toujours un peu plus d’action

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Comment vivre les WSOP, à des milliers de kilomètres de Las Vegas, comment vibrer, perdre ou gagner comme les pros et amateurs qui ont fait le grand saut et ont offert leur chance et leur bankroll aux tables climatisées du désert du Mojave ? Comment, virtuellement, avoir un peu d’action ? Derrière ce mot transparent ou presque (en anglais, l’action, c’est avoir une part de l’investissement d’un joueur engagé dans un tournoi) s’ouvre un univers qui n’a jamais véritablement décollé en Europe, celui de stacking de joueur.

Pour la première fois, on apercevait par exemple Bruno Fitoussi (également créateur de Poker52, ndlr) ouvrir pour la première fois publiquement son action aux joueurs anonymes, via une plateforme reconnue pour son très grand sérieux, Pocket Fives, pour un 10 000$ PLO, entre autres, à un « prix » (le markup) le plus intéressant possible, à 1 contre 1, à hauteur de la moitié du buy-in. En gros, si Bruno Fitoussi gagne 100 000$ dans le cadre de ce tournoi, il en gardera la moitié, et le stackeur anonyme qui l’aura financé à hauteur de 500$ (soit 10% du stacking disponible) touchera 5000$… Pour le Main Event (qui sera joué, avec ou sans stacking), le joueur français propose un markup plus élevé, à 1,2. Dans ce cas, le stackeur qui aurait financé à la même hauteur toucherait 5000/1,2 soit 4000$.

Le concept du stacking par des sites spécialisés fait cependant encore débat. Hier, sur Twitter, un joueur et influenceur américain, Johnnie Vibes, partageait un message privé d’un « fan » qui lui demandait quand il pourrait avoir une part d’action de ses tournois. Vibes, qui n’avait jamais fait cette démarche, disait hésiter. Très vite, Tony Dunst, figure charismatique du World Poker Tour, faisait alors entendre une voix assez rare sur le sujet : « Ne vends pas d’action, si tu n’en as pas besoin. Il y a plein de façon de faire vibrer tes fans, sans avoir à vivre cette situation gênante qui consiste à leur prendre leur argent… » Joey Ingram, l’une des personnalités les plus en vogue du TwitterPoker américain, prenait quant à lui le contrepoint, assurant que le stacking était, à la manière du sports betting, une façon pour les anonymes de vivre plus intensément la compétition des professionnels.

Au delà des comptes et des chiffres, des rêves de fortune sans même toucher une carte, le débat autour du stacking anime encore les discussions entre joueurs pro. Il y a deux jours, une grindeuse américaine « offrait » 3% de son Main Event à un joueur handicapé qu’elle avait rudement traité à table. On le sait, même si tout est flou, les swaps entre pros (échange d’action entre deux joueurs participant au même tournoi) sont courants, et sont souvent accusés de fausser l’esprit de compétition dans les tournois à petits fields mais gros buy-in, puisque la variance est lissée pour ceux qui possèdent, au sein d’un petit groupe, de l’action commune.

En parallèle continue toujours le stacking de pros par des whales qui préfèrent ne pas aller au combat directement. Les rumeurs de pros ayant vendu plus de 100% de leur action se sont d’ailleurs parfois révélées réelles, après que le vainqueur d’une compétition à Monte-Carlo ait renégocié avec ses financiers : en gagnant le tournoi, il devait plus d’argent qu’il n’en gagnait… Et c’est sans parler des semi-pros prenant l’argent de leurs stackeurs, oublient de buy-in pour le tournoi concerné, et plaident le bust aux premiers levels ; ou ce vainqueur du Main Event WSOP, Jamie Gold, qui voulait renégocier son contrat de stacking après avoir décroché le titre et ses quelques 12 000 000$…

De grands champions ont souvent été soupçonnés d’être les horse de financiers hong-kongais ou américains, ne jouant jamais sur leur argent afin de se refaire ; récemment, un milliardaire stackait encore des joueurs dans le 250 000$, comme on mise aux courses. Il y a quelques années encore, les scènes, aux WSOP, d’hommes de main attendant des joueurs ITM devant des centaines de milliers de dollars à leurs stackeurs étaient monnaie courante. A Macau, ou lors de Series aux buy-in mirifiques, on aimerait connaître la réalité de l’action réelle aux tables entre jeunes multimillionaires du web, joueurs broke, Triades bien achalandées et swaps à tout va. Qu’importe, tant que le spectacle, et l’action, sont au rendez-vous.

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