Après des mois de traversée de désert, des semaines passées à douter, des heures entières noires, sombres, coléreuses, Guillaume Darcourt s’est relevé. Dans les couloirs des poker-rooms de Las Vegas, le bruit courait qu’un Français avait pris la tête du Main Event. Un Français ? « Mais oui, Darcourt, tu ne vois pas qui c’est ? » Un extra-terreste, pour certains, un piètre joueur pour quelques méchantes langues jalouses du succès médiatique de cet industriel français installé en suisse, « un mec super bon, j’ai joué à sa table, il m’a impressionné », dira un autre.
Guillaume Darcourt n’en est pas à son premier coup d’éclat. En fait, l’éclat, c’est même ce qu’il connaît, puisqu’après sa victoire d’un titre WPT à Bucarest il y a un an et demi, et sa finale hystérique aux WSOP l’an dernier, le capitaine de la Team PMU —ancien fer de lance de l’écurie 770, avant que celle-çi se voit refuser la licence d’exploitation par l’ARJEL (une rareté à souligner)— a beaucoup fait parler de lui : grande gueule, parfois ; généreux, toujours ; fragile, souvent.
Le début des World Series a ressemblé pour lui au pire des enchaînements. Car si l’homme se fait fort de « monter des jetons » en un rien de temps, il est aussi connu pour ses sorties de routes incontrôlées qui le propulsent au rang de chipleader avant de le voir prendre la porte « EXIT », tête baissée, écumant de rage. « Il faut que tu changes de braquet, Guillaume », se contentent de lui souffler quelques amis qui n’ont pas compris une chose : sans ce tempérament de feu, Guillaume Darcourt n’aurait pas gagné ses titres, ne monterait pas des montagnes de jetons dès les premiers levels, ne rendrait pas dingue la moitié de sa table en quelques coups seulement, et n’aurait sûrement pas de sponsor.
Car le poker français aime le « panache », le « poker champagne ». En tout cas, les médias première génération. « Avec Guillaume Darcourt, au moins on ne s’ennuie pas. Tout n’est peut-être pas parfait, mais il joue avec son cœur, et c’est tellement rare… » me disait Benjamin ‘Benjo’ Gallen il y a quelques mois en devisant sur ces générations ennuyeuses de joueurs auto-proclamés « techniques ».
Et hier, dans l’Amazon Room, tout le monde ou presque partageait son avis. Rapportés par nos amis de Made In Poker, le propos d’un joueur Pokerstars sentait l’aigreur : « Ce type est nul, je ne sais pas ce qu’il fait là, ne m’en parle pas… », lançait l’impétrant muni d’un maigre tapis. Mais derrière Darcourt, une grande partie des médias qui aiment voir ce quasi-anonyme aux cheveux roses hurlant la joie de jouer et de gagner. Sûrement, Darcourt en fait trop. Et bien sûr, il est trop tôt pour vendre la peau des autres joueurs avant de les avoir bustes, même si, en fin de Day 3, il pointe dans le Top 20. Mais ces trois journées de pur plaisir, de « run good » combiné à une belle concentration et à un beau poker plein de risques et de domination psychologique, suffiront sans doute —victoire, deep run ou bubble-boy— à Guillaume Darcourt à se relever. A prendre quelques semaines hors des tables de poker pour revenir plus fort que jamais à la rentrée et à faire, toujours et encore, tourner les têtes des apôtres rigoristes d’un poker aseptisé.
L’ancien star de l’écurie PMU Poker fait un retour remarqué à las Vegas, elle qui n’avait jamais cependant vraiment quitté les tapis verts du poker. C’est dans un de ces Event comme les World Series en organisent très souvent à chaque édition que la joueuse tire pour le moment magistralement son épingle du jeu, gardant à 15 joueurs restant le chiplead dans l’Event #16, un NLHE 1500$.
La joueuse avait pris les devants après un call perdant de Shannon Shorr, contre la paire de Rois touchée au flop de la championne française. Finale dès demain, avec 465 000$ à la gagne !
(Durant l’édition 2023 des WSOP, nous tiendrons, à distance, un « journal off » comme nous le faisons depuis plusieurs saisons, afin de raconter à notre manière une autre vision du plus grand évènement poker de l’année)
L’épreuve a longtemps été un des rendez-vous phare des WSOP : le Championship de heads-up, désormais à 25 000$, a accueilli en ses rangs les plus grands noms du poker au fil des éditions, de Tom Dwan à Phil Ivey en passant par John Duthie ou Jason Koon. Le field, mathématiquement, doit être un multiple : 2-4-8-16-32-64-128-256… En 2023, il s’est arrêté à 64, pour un tournoi 6 étapes, avec 8 places payées. A ce jeu là, tout le monde observait à distance Doug Polk, une des figures les plus bruyantes du TwitterPoker, actif à la fois en ligne avec sa chaîne YouTube faussement polémique et en live puisqu’il possède un des plus gros clubs de poker texan, The Lodge, à Round Rock. Polk a écrit sa légende en étant l’un des joueurs de tête à tête les plus redoutés des tables high stakes en ligne, puis a continué à imposer son nom via les nombreuses polémiques qu’il fait et défait au gré des vidéos YouTube. L’homme n’a que peu de foi, peut planter des couteaux dans le dos de ses amis de la veille ou encenser ses ennemis du lendemain : peu importe l’avis, tant qu’il y a du click.
En arrivant au Heads-Up Championship des WSOP, Polk sortait d’une éprouvante session de cash-game télévisé, diffusé par le Hustler Club Casino. Rincé par les nuits blanches et les « million dollar buy-in » déposés sur la table à force de recaves, il ne semblait plus avoir le jus pour faire grande impression dans une compétition qui demande plus que jamais concentration et analyse de son adversaire. Il venait de louper, en streaming, quelques calls contre des bluffs de riches cryptomillionaires, de se faire essorer par Tom Dwan, ennemi non avoué depuis bien longtemps, et même s’il ne jouait qu’un quart de « sa main » —information révélée à Rob Yong, sur Twitter, qui se demandait combien de pourcentage de leur stack jouaient ces millionaires du cash-game—, Polk semblait à bout. Mais au fur et à mesure des rounds, et des flips 20/80 qui passent (un heureux QQ>>KK pré-flop en demie finale), il a finalement réussi à atteindre le dernier duel, contre le Canadien Chanracy Kuhn. Une dernière marche trop haute pour l’Américain aux 4 bracelets WSOP, qui aura succombé aux calls judicieux de son adversaire aux moments-clés de ce dernier affrontement, front contre front. Polk passera vite à autre chose : un autre gros cash-game, de préférence médiatisé, un autre clash sur la plateforme Spaces de Twitter, une autre polémique sans lendemain. Le clickbait est encore plus addictif que le jeu.
Le vainqueur, en septembre 2022, de l’APO 2500 au Club Circus à Paris, fait la route largement en tête à 9 joueurs restants de l’Event #2 des WSOP, un tournoi à 25 000$ qui a déjà rassemblé le who’s who du poker international, avec 207 entrées au total.
Pour le moment, Hallay a deux fois le tapis du deuxième en jetons et semble se diriger tout droit vers une belle performance…